La Terre de chez nous

JOUR DE LA MARMOTTE POUR LA FORÊT PRIVÉE

- PIERRE-YVON BÉGIN

Les 130 000 propriétai­res en forêt privée ont l’impression de revivre le jour de la marmotte.

Ils viennent à nouveau d’être ignorés par Québec, qui confirme un investisse­ment de 450 M$ en travaux sylvicoles en forêt publique exploitée par la grande industrie.

Le 9 février, le premier ministre Philippe Couillard révélait lui-même les détails de cette contributi­on lors d’une conférence de presse à Dolbeau au Lac-Saint-Jean. Accompagné de son ministre des Forêts, Laurent Lessard, il a précisé que la somme sera partagée en parts égales de 225 M$ au cours des 2 prochaines années.

Au lendemain de son élection en avril dernier, Philippe Couillard injectait 42 M$ supplément­aires en forêt publique de la main droite, tandis qu’il coupait 6 M$ de la main gauche au budget de la forêt privée pour les travaux sylvicoles.

« On sent encore qu’on est comme mis sur la bande et des fois on n’est même pas sur la glace », déplore le président de la Fédération des producteur­s forestiers du Québec, Pierre-Maurice Gagnon. Présent à la conférence de presse du premier ministre Couillard qui « a fait un beau show de boucane », celui-ci convient qu’il s’agit tout de même d’une bonne nouvelle pour la forêt publique. Il envie même son financemen­t garanti pour deux ans. Il souhaite un traitement identique, soulignant que le soutien à la forêt privée contribue à l’acceptabil­ité sociale de l’exploitati­on forestière.

« Quand on met de l’argent sur la forêt privée, déclare-t-il, ça ôte de la pression sur la forêt publique. »

« Je pense que le premier ministre commence à allumer, ajoute PierreMaur­ice Gagnon. Qu’on mette certaines contrainte­s d’obligation de produire sur les terrains où on investit, comme dans les pays scandinave­s, je suis ouvert à ça. »

Le président de la Fédération dénonce par ailleurs les baisses de budget appliquées au soutien de l’État envers la forêt privée, de 15 à 45 % selon les régions. Il aimerait aussi profiter d’un financemen­t prévisible et rehaussé, expliquant que la forêt privée doit toujours attendre l’étude des crédits par l’Assemblée nationale. Résultat, les budgets de travaux sylvicoles sont parfois annoncés très tardivemen­t, en mai et juin.

« C’est déplorable, affirme-t-il. On est toujours en baisse. L’argent investi en forêt privée, ce n’est pas juste au Québec. »

Marc Beaudoin, directeur général du Regroupeme­nt des sociétés d’aménagemen­t forestier du Québec (RESAM), abonde dans le même sens. L’injection de 450 M$, dit-il, constitue une bonne nouvelle pour la forêt publique et la forêt en général. Il estime que la filière a réussi à sensibilis­er le premier ministre à l’importance de la forêt. Le secteur privé s’attend maintenant à un traitement identique, ajoute-t-il.

« Ça presse, déclare M. Beaudoin. La saison d’opération commence dans deux mois et on ne peut travailler avec deux poids, deux mesures. »

Laurent Lessard convoque une réunion des partenaire­s de la Table de concertati­on de la forêt privée le 13 avril prochain afin d’établir les priorités. La question du soutien financier sera abordée à cette occasion, soutient l’attaché de presse du ministre, PierreOliv­ier Lussier.

« Le ministre est conscient de l’importance de la forêt privée », affirmet-il. Une question d’agenda et d’éléments à attacher, justifie-t-il, explique pourquoi le soutien financier aux travaux sylvicoles en forêt privée n’a pas été annoncé en même temps que celui de la forêt publique.

Sylvain Roy, député de Bonaventur­e et critique de l’opposition en matière de forêt, fulmine. Depuis le Sommet sur la forêt en novembre 2013, observe-t-il, le budget de la forêt privée a été réduit de 11 M$, passant de 55,5 M$ à 43,7 M$, « une perte significat­ive » à ses yeux.

« Aucune annonce n’a été faite pour la forêt privée, dénonce-t-il. On ne sait rien et certains éléments sont vraiment problémati­ques, comme le retrait du fédéral. Ils [gouverneme­nt Couillard] ne sont même pas allés cogner à la porte du fédéral. »

Rappelons que les forêts privées disposent d’un potentiel de récolte annuelle de 16 millions de mètres cubes de bois. Cependant, plus de 55 % demeurent inutilisés, malgré le principe de la résidualit­é qui leur accorde la priorité dans l’approvisio­nnement des usines. Les livraisons ne représente­nt plus que 15 % de celui-ci. Notons que 16 % du territoire forestier du Québec se retrouve en sol privé de même que le tiers de la possibilit­é totale de la récolte forestière.

 ??  ?? Le secteur de la forêt privée s’attend au même traitement que la forêt publique à l’égard des fonds pour travaux sylvicoles.
Le secteur de la forêt privée s’attend au même traitement que la forêt publique à l’égard des fonds pour travaux sylvicoles.

Newspapers in French

Newspapers from Canada