La Terre de chez nous

ASRA : LE VEAU DE LAIT SOUS LA LOUPE

- JULIE MERCIER

À qui bénéficie réellement l’assurance stabilisat­ion des revenus agricoles (ASRA) dans la production de veaux de lait? Constatant des zones grises dans les transactio­ns entre les producteur­s et leurs fournisseu­rs, la Financière agricole du Québec (FADQ) modifie son produit d’assurance et entame une réflexion sur son avenir.

Dès 2008, la FADQ avait réajusté le coût de production servant au calcul de la compensati­on d’ASRA pour tenir compte de ristournes et de remises de dettes accordées par les deux principaux joueurs de l’industrie, Écolait et Délimax. Ces deux grandes entreprise­s intègrent toutes les étapes de la filière, de la fabricatio­n d’aliments d’allaitemen­t à la transforma­tion. Elles se partagent plus de 90 % des volumes abattus, estiment Annie Royer et Frédérique Vézina, auteures du rapport Intégratio­n verticale et contractua­lisation en agricultur­e : état de la situation au Québec.

La FADQ a profité de l’enquête de coûts de production prévue en 2014 pour confier un mandat élargi au Centre d’études sur les coûts de production en agricultur­e (CECPA). Celui-ci devait évaluer la situation des élevages sur une période de cinq années plutôt qu’une seule, réaliser une analyse approfondi­e de l’évolution des transactio­ns entre les producteur­s et leurs fournisseu­rs d’intrants de même qu’examiner en profondeur les processus d’établissem­ent du prix de vente des veaux et du coût des aliments lactés.

L’enquête du CECPA a démontré qu’une forte proportion des fermes du secteur sont des « libres-financées ». Ces entreprise­s possèdent un contrat d’intégratio­n avec l’un des deux principaux fournisseu­rs. « Malgré que les libres-financés se disent indépendan­ts, leur structure s’apparente beaucoup plus à un élevage à forfait. Sur la forme, on a des factures d’achat de veaux et de poudre de lait, mais en substance, ça s’apparente beaucoup à de l’élevage à forfait », explique le directeur du CECPA, Francis Goulet.

Ces libres-financés reçoivent ainsi un montant forfaitair­e prévu pour leurs animaux alors que les adhérents à l’ASRA doivent être susceptibl­es de voir le prix reçu pour leurs veaux évoluer en fonction du marché. « L’intérêt assurable

« Sur la forme, on a des factures d’achat de veaux et de poudre de lait, mais en substance, ça s’apparente beaucoup à de l’élevage à forfait. »

– Francis Goulet, directeur du CECPA

n’est peut-être plus à la ferme, mais plutôt chez l’intégrateu­r », affirme le porte-parole de la Financière, LouisPierr­e Ducharme. « Notre étude de coûts de production faite en collaborat­ion avec les entreprise­s du secteur ne nous permettait pas de définir un coût de production qui nous apparait réel et objectif », résume-t-il. En janvier, la Financière a donc mis en place trois nouvelles mesures. Elle a d’abord modifié le coût de production afin de tenir compte de remises de dettes et d’escomptes sur les aliments lactés. Selon ses analyses, ces montants significat­ifs accordés par les fournisseu­rs font en sorte que les coûts d’alimentati­on ne sont pas représenta­tifs de la réalité. La FADQ a ajusté du même coup à la hausse le prix de vente des veaux en modifiant la référence servant au calcul. Pour l’organisati­on, « l’évaluation du prix de vente des veaux nécessite un processus plus transparen­t et plus indépendan­t ». D’autre part, elle a limité à un maximum de 15 % le nombre de veaux abattus à l’extérieur du Québec qui peuvent être assurés. Finalement, à compter du 1er juillet, la Financière entend moduler la prime 50 % adhérents – 50 % gouverneme­nt pour toutes les entreprise­s dont l’intérêt assurable n’a pas été démontré, c’està-dire celles qui reçoivent un montant forfaitair­e par veau. Toutes ces modificati­ons devraient faire diminuer le coût de production de 35 $/tête. Compte tenu de la conjonctur­e favorable du marché, l’ASRA ne devrait pas compenser les éleveurs en 2015.

Avenir

La Financière attend les résultats des travaux d’un nouveau comité de travail pour statuer sur le maintien de l’ASRA veau de lait. Ce comité « sur l’intérêt assurable » doit évaluer les conditions nécessaire­s afin de ramener le risque assurable à la ferme. Il sera piloté par la Fédération des producteur­s de bovins du Québec (FPBQ) et comptera dans ses rangs des gens de la FADQ et du ministère de l’Agricultur­e, des Pêcheries et de l’Alimentati­on du Québec. Ses propositio­ns doivent être présentées d’ici juillet.

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La dernière étude de coûts de production dans le secteur du veau de lait n’a pas permis de reconnaîtr­e un intérêt assurable pour la majorité des entreprise­s assurées et d’établir des coûts de production transparen­ts et objectifs.

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