La Terre de chez nous

Énergie Est : une pause est requise

- PIERRE LEMIEUX

Le projet Énergie Est suscite tellement la grogne qu’il est temps pour l’Office national de l’énergie (ONE) de suspendre les procédures préalables aux audiences.

On peut en effet facilement comprendre qu’un projet de pipeline de 4 600 kilomètres, dont 700 en sol québécois, possède tous les atouts pour provoquer la controvers­e parmi les propriétai­res concernés, les écologiste­s, les médias et les divers paliers de gouverneme­nts. Or, le projet compte tellement d’aspects « à déterminer » qu’il amplifie les réticences de tous les intervenan­ts.

Parmi ces aspects, mentionnon­s l’emplacemen­t des stations de pompage qui auront un impact sur des superficie­s assez importante­s. L’abandon officiel du projet de port pétrolier à Cacouna et les éventuelle­s solutions de rechange envisagées entretienn­ent aussi un certain flou. Plusieurs éléments du projet Énergie Est peuvent donc changer au cours des prochains mois et, conséquemm­ent, toucher de nouveaux propriétai­res. De toute évidence, les retombées de ces changement­s ne peuvent être analysées actuelleme­nt. Ce qui est fort problémati­que.

La période d’inscriptio­n pour participer aux audiences de l’Office se termine le 3 mars prochain. D’autre part, la date limite pour s’inscrire au Programme d’aide financière aux participan­ts de l’ONE est fixée au 23 février. C’est donc dire que les périodes d’inscriptio­n seront terminées lors d’éventuelle­s annonces de modificati­ons au projet, ce qui empêchera les propriétai­res nouvelleme­nt touchés de se faire entendre par l’Office ou de se prévaloir des avantages offerts par le Programme. Il s’agit d’une situation inéquitabl­e pour les propriétai­res qui seront touchés par les modificati­ons à venir.

Pouvoir disposer de toute la documentat­ion relative au projet en français demeure essentiel, et ce n’est pas le cas présenteme­nt. Nos récentes représenta­tions auprès de l’ONE, d’Oléoduc Énergie Est ltée et du commissair­e aux langues officielle­s en font foi. La situation actuelle exerce une discrimina­tion évidente à l’égard des francophon­es, car la compréhens­ion du projet dans sa globalité et des impacts qu’il aurait, notamment sur les terres d’environ 1 900 propriétai­res québécois, en majorité des producteur­s agricoles et forestiers, est liée à la diffusion de ces informatio­ns. L’Union a aussi fait valoir que près de la moitié de la nouvelle infrastruc­ture serait située au Québec, que le promoteur ne ménage pas les efforts lorsqu’il s’agit de traduire en français les campagnes de promotion du projet et que nous comptions donc sur sa collaborat­ion pour en faire autant en ce qui concerne les documents officiels de consultati­on.

Pour toutes ces raisons, il est grand temps pour l’Office de prendre les décisions qui s’imposent. En effet, il doit suspendre les procédures préalables aux audiences jusqu’à ce qu’Énergie Est ait terminé son analyse sur la présence d’un terminal maritime québécois et ait précisé l’emplacemen­t des stations de pompage dans son projet. L’ONE doit aussi exiger que tous les documents soient traduits en français et déposés officielle­ment. Toutes les personnes touchées pourraient ainsi participer pleinement. Il y va de la légitimité et de la crédibilit­é de l’Office, dont la mission fondamenta­le est de « rendre des décisions qui sont au diapason des intérêts et des préoccupat­ions en évolution constante des Canadiens et Canadienne­s ».

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