Bien-être : une préoccupation des éleveurs
Les consommateurs ont la couenne de plus en plus sensible en matière de bienêtre des animaux. Cette nouvelle préoccupation se traduit par des demandes supplémentaires à l’égard des éleveurs. Peu de gens s’inquiètent cependant des impacts de ces exigences sur le bienêtre… des producteurs.
Lorsque les médias abordent le bienêtre animal, l’agriculture a souvent mauvaise presse. La dernière histoire en date concerne un élevage de veaux de la municipalité de Pont-Rouge. « Ces images sont très loin de la réalité. Nos producteurs ont été très frustrés de les voir. Les médias s’en servent pour mettre toute la production dans le même panier », dénonce le président de la Fédération des producteurs de bovins du Québec (FPBQ), Claude Viel. La très grande majorité des éleveurs ont le bienêtre de leurs animaux à coeur, fait valoir le dirigeant. « Leurs animaux, c’est leur bien, leur revenu. Si un animal est mal traité, il n’a aucune rentabilité. Le bienêtre, c’est payant pour les producteurs. Pour eux, leur troupeau, c’est toujours une fierté. »
Méconnaissance
« Le bien-être, c’est avant tout une question de gros bon sens, mais le gros bon sens, ça varie d’une personne à l’autre », faisait remarquer Dominick Pageau, économiste à la Financière agricole du Québec (FADQ), lors du colloque Gestion du Centre de réfé- rence en agriculture et agroalimentaire du Québec. Toutefois, la méconnaissance des gens quant aux pratiques agricoles peut amener de la confusion sur ce qu’est réellement un mauvais traitement. « Un animal de ferme, ce n’est pas un petit chien qu’on garde dans la maison et à qui on met des bottes quand on le sort dehors, illustre Claude Viel. Souvent, des gens vont voir une vache à viande de boucherie gardée à l’extérieur et dire que ça n’a pas de bon sens. Ce n’est pas vrai. » Une vache de bouche- rie, bien alimentée, à l’abri du vent avec de l’eau et de la litière en abondance, sera très à l’aise l’hiver, ajoute l’éleveur.
Le gouvernement du Québec a le bienêtre animal dans sa mire. Le ministre de l’Agriculture du Québec, Pierre Paradis, a proposé que le Code civil soit modi- fié afin d’accorder aux animaux le statut juridique « d’êtres vivants doués de sensibilité ». En juin dernier, M. Paradis a aussi annoncé la mise en place d’une ligne téléphonique sans frais pour signaler toute situation compromettant la santé, la sécurité et le bien-être des animaux. Le risque de dénonciation, jumelé à la méconnaissance des pratiques agricoles, peut constituer une source de stress pour les éleveurs, estime Claude Viel. « Jamais les producteurs ne vont être contre l’amélioration du bien-être des animaux. Ils vont s’ajuster aux nouvelles demandes sociétales, mais il y a des frais et il faut être compétitif quand même », poursuit le président de la FPBQ. Les agriculteurs souhaitent que le gouvernement soit partenaire. « On veut qu’il exige la réciprocité des normes que l’on demande depuis belle lurette », conclut Claude Viel.
En production porcine, le défi du bienêtre se vit au quotidien, affirme le président des Éleveurs de porcs du Québec, David Boissonneault. « Nos éleveurs recherchent toujours le bien-être pour leurs animaux parce que le bien-être est associé directement aux performances et à la rentabilité de nos entreprises. Ça va plus loin quand on combine ça avec les attentes sociétales. Il faut, en tant que fournisseur, être à l’écoute », estime-til. Le nouveau code de bonnes pratiques en constitue un bon exemple. Ce dernier fixe la date butoir du 1er juillet 2024 pour l’utilisation des cages de gestation. Dans le secteur porcin, le bien-être représente des investissements potentiels de 500 M$. Le dirigeant rappelle que les difficultés des dernières années ont causé beaucoup d’insécurité aux producteurs. « On a eu beaucoup de défis dans le passé et on s’est toujours adapté. Si c’est fait correctement [NDLR la mise en place de nouvelles normes de bien-être], par étapes, avec des balises scientifiques et non de l’émotion, on peut en tirer des bénéfices », croit M. Boissonneault.
« Le bien-être, c’est avant tout une question de gros bon sens, mais le gros bon sens,
ça varie d’une personne à l’autre. »