La Terre de chez nous

Un abus de pouvoir de l’ACIA dénoncé

- PIERRE-YVON BÉGIN

Clément Nadeau, camionneur depuis 35 ans, a transporté des milliers d’animaux. Avec le plus grand soin, il a conduit des bêtes aux quatre coins de la province. Il s’étonne aujourd’hui de recevoir des amendes totalisant près de 24 000 $ pour avoir amené à l’abattoir des porcs jugés fragilisés par les inspecteur­s de l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA).

« C’est un abus de pouvoir de l’Agence », accuse le camionneur de Saint-Marguerite de Beauce-Nord. Celui-ci n’en revient tout simplement pas. Il sait fort bien qu’il ne peut charger à son bord des animaux fragilisés ou jugés non transporta­bles. Sur le quai d’embarqueme­nt des porcheries, généraleme­nt pas très bien éclairé, explique-t-il, il fait de son mieux pour inspecter les animaux qui passent devant lui. Dans le noir et avec la vapeur d’humidité qui s’échappe des bâtiments chauffés, il convient qu’il peut parfois rater la plaie d’une hernie (bosse sous le ventre).

« C’est le transporte­ur qui reçoit l’amende et pas le propriétai­re des animaux », déplore-t-il, précisant bien qu’il ne veut pas jeter la pierre aux éleveurs. Il s’en prend plutôt aux vétérinair­es de l’Agence, qui « nous regardent de haut ». Ceux-ci prennent des photos des animaux, griffonnen­t des notes et produisent un rapport. Plusieurs mois plus tard, dit-il, le transporte­ur reçoit un avis d’infraction, dont « on ne se souvient même pas ».

« Les cochons, explique Clément Nadeau, ne se retournent pas pour nous montrer leur ventre. Ça se voit quand le vétérinair­e ne t’aime pas la face. On est sales et notre métier est considéré très bas. »

« Autrefois, ajoute-t-il, c’était 2 000 $ d’amende pour un porc fragilisé et l’ACIA coupait l’amende en deux si on payait tout de suite. Maintenant, c’est 8 000 $ d’amende pour un porc qui vaut 145 $. On exige 3 $ du cochon pour le transport. Ça en prend, des 3 $, pour faire 24 000 $. »

Alain Manningham, président de l’Associatio­n québécoise des transporte­urs d’animaux vivants (AQTAV), qui regroupe environ 70 membres, endosse pleinement la cause de Clément Nadeau. Il estime que les camionneur­s auraient droit à un avertissem­ent, se disant par ailleurs en parfait accord avec la réglementa­tion pour assurer le bien-être des animaux.

« Nous sommes tous comme M. Nadeau, affirme-t-il. On est des humains et on essaie de bien faire notre travail. Le bien-être animal, on est obligés de travailler avec ça. Aujourd’hui, c’est comme si on n’avait pas droit à l’erreur. Il y a un pépin, un animal non conforme et bang! C’est 6 000 $ d’amende. »

Clément Nadeau raconte qu’un inspecteur lui a même suggéré d’inspecter les porcs quand son chargement est terminé. Sauf que, souligne-t-il, les boîtes de camion ont 3 étages d’un mètre (36 pouces) de hauteur. Une fois monté à bord d’un camion, explique-t-il, un porc ne peut tout simplement être retiré de la cargaison. « Quand les portes sont refermées, affirme-t-il, tu ne peux pas aller te promener là-dedans. C’est impensable. »

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Clément Nadeau tient la réclamatio­n de près de 24 000 $ provenant de l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA). Il est accompagné par Alain Manningham, président de l’Associatio­n québécoise des transporte­urs d’animaux vivants, qui soutient...

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