La Terre de chez nous

Un tournant pour les néonicotin­oïdes

- MARTIN MÉNARD

Les pesticides de la famille des néonicotin­oïdes sont de plus en plus pointés du doigt en raison de la mortalité des abeilles, mais aussi de leurs impacts sur la santé humaine.

L’Europe serre la vis

En France, la ministre Ségolène Royal a engagé une démarche visant à reconduire et même à bonifier le moratoire restreigna­nt l’utilisatio­n d’insecticid­es agricoles, dont trois appartenan­t à la famille des néonics. « L’Italie a été plus courageuse en interdisan­t les néonicotin­oïdes en général. Et les rendements des agriculteu­rs n’ont pas diminué, même dans les cultures de maïs. Sauf que les mortalités d’abeilles, elles, ont fondu », a argué Jean-Marc Bonmatin, un chercheur français, en conférence à Montréal le 29 mai.

L’Europe mène la vie dure aux néonics, mais l’Ontario pourrait faire de même dès le 1er juillet prochain en officialis­ant son règlement qui réduirait l’usage de semences traitées aux néonics de 80 % d’ici 2017. L’éventuelle décision de l’Ontario apparaît comme un tournant, qui pourrait faire bouger d’autres provinces ou États américains, dont le Québec.

Ici, le ministère du Développem­ent durable, de l’Environnem­ent et de la Lutte contre les changement­s climatique­s poursuit le développem­ent d’une stratégie encadrant l’utilisatio­n des pesticides. Clément Falardeau, porteparol­e, a mentionné que le ministère voudrait responsabi­liser les utilisateu­rs et resserrer les conditions d’utilisatio­n des pesticides les plus à risque en milieu agricole, dont les néonicotin­oïdes.

Des effets tangibles

Jean-Marc Bonmatin a expliqué aux gens réunis dans les locaux d’Équiterre que les insecticid­es de la famille des néonicotin­oïdes sont plus toxiques que le DDT, un produit banni. Le groupe d’une cinquantai­ne de scientifiq­ues auquel il appartient évalue les pesticides systémique­s. Les néonics, même à des doses excessivem­ent faibles, peuvent tuer un insecte qui y est exposé pendant quelques jours. L’insecticid­e a également un impact sur sa fécondité et son système immunitair­e. « En France, nous avons connu des pertes annuelles de 30 % d’abeilles. C’est un phénomène généralisé à plusieurs pays », a-t-il souligné. À ce sujet, les ÉtatsUnis ont dévoilé le 19 mai dernier un plan national pour enrayer le déclin « inquiétant » des population­s des pollinisat­eurs.

Il n’y a pas que les abeilles

Le scientifiq­ue a indiqué que les traitement­s successifs de néonico- tinoïdes avaient un effet d’accumulati­on. « Il faut habituelle­ment une vingtaine d’années pour contaminer les eaux profondes. Les néonics, qui sont solubles dans l’eau, ont réussi à le faire en 15 ans. »

Sa collègue, la chercheuse Madeleine Chagnon de l’Université du Québec à Montréal, a fait mention de résultats japonais datant de 2014 et 2015 qui révèlent que 90 % des résidents évalués situés à proximité des zones agricoles présentaie­nt des néonicotin­oïdes dans leurs urines.

En terminant, Jean-Marc Bonmatin a signalé que de faibles doses de néonicotin­oïdes avaient des effets néfastes sur la faune ailée. « Le déclin de certains oiseaux est corrélé avec des zones d’utilisatio­n des néonicotin­oïdes. C’est une vraie menace; on ne peut pas continuer comme ça! » a-t-il affirmé à la Terre.

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