Québec ne remboursera pas le déficit accumulé
Contre toute attente, le gouvernement Couillard renonce à rembourser le déficit accumulé de la Financière agricole. Cela représente une facture de 517 M$. Cette décision est lourde de conséquences, et plusieurs craignent pour la suite des choses, dans un environnement économique fragilisé. La Terre fait le point.
« Il y a lieu de s’inquiéter sérieusement, convient le président général de l’Union des producteurs agricoles (UPA), Marcel Groleau, en entrevue à la Terre. Ça envoie un mauvais signal. »
Il s’en est ouvert au premier ministre Philippe Couillard, et au ministre de l’Agriculture, Pierre Paradis, jeudi dernier, lors d’une rencontre privée qui a duré une bonne heure, à Québec.
« Nous avons parlé de la gestion des risques et de la sécurité du revenu pendant les trois quarts de la rencontre », dit Marcel Groleau, qui a fait valoir que les décisions prises par le gouvernement « créent de l’instabilité et de l’insécurité à un bien mauvais moment ».
« On pense plutôt que le gouvernement devrait se servir de l’agriculture pour stimuler l’économie, fait-il valoir, comme ça se fait dans d’autres pays qui misent sur la contribution des producteurs et des entreprises agricoles. »
Programmes adaptés
Marcel Groleau ne comprend pas parfaitement la logique derrière les compressions à la Financière.
« Nous l’avons répété à maintes reprises, mentionne-t-il. Il nous faut des programmes adaptés pour tenir compte des risques inhérents à la production. Le gouvernement ne prend pas cette direction et demande plutôt à la Financière de se constituer une réserve [de 300 M$], qui ne servira cependant à rien si les programmes ne sont pas adaptés. »
Il a également du mal à accepter que le gouvernement « s’accapare » les excédents de la société d’État avec sa décision de ne pas rembourser le déficit accumulé de 517 M$.
« Si on suit son raisonnement, dit-il, les excédents [à venir] vont servir à rembourser le déficit, et non à investir dans des projets porteurs. C’est décevant. »
Une nouvelle crise
Le président général de l’Union ne veut pas être alarmiste. N’empêche : il dit craindre que les producteurs n’aient pas tous les outils en mains si jamais une nouvelle crise éclate dans l’industrie agricole.
« On se prépare une nouvelle crise [avec les nouvelles exigences posées par le gouvernement envers la Financière]. Ça peut nous frapper, si les prix chutent, prévient-il. Déjà, le prix des céréales est en baisse. »
Marcel Groleau dit percevoir « une certaine insécurité » dans les milieux financiers, qui craignent un ralentissement dans certaines productions. « Les banques sont plus frileuses, soulèvet-il. C’est palpable. »
« Au Québec, donne-t-il en exemple, un producteur de maïs reçoit moins que son collègue ontarien et américain, en ce qui a trait à la gestion des risques et de la sécurité du revenu. »
Cette analyse du marché est partagée par Pierre Lemieux, 1er vice-président à l’UPA. « Là, ça va relativement bien en agriculture, dit-il, parce que les conditions du marché sont bonnes.
« Mais qu’est-ce qu’on va faire si ça se met à aller mal?, questionne-t-il. On se serait attendu à ce que le gouvernement donne le ton et nous encourage à investir. On voit des signes d’essoufflement dans le secteur agricole et ce n’est pas le bon moment de nous déstabiliser. »
À la Financière, on explique que le président-directeur général, Robert Keating, ne peut pas faire de commentaires, car il s’agit d’informations provenant de discussions du conseil d’administration qui s’avèrent confidentielles.