« La prochaine fois, on bloque les frontières »
HERDMAN — La centaine de producteurs qui s’est déplacée le 30 septembre dernier à Herdman, en Montérégie, à côté de la douane américaine, a manifesté pacifiquement, mais les agriculteurs jurent que si les importations de protéines laitières et de lait diafiltré se poursuivent, ils prendront les grands moyens.
« Aujourd’hui, nos tracteurs et nos camions sont stationnés sur le côté du chemin, mais les producteurs d’ici le disent : si rien ne change et si nous devons revenir [manifester], ce sera au milieu du chemin. Nous bloquerons la frontière; nous bloquerons l’entrée au pays du lait diafiltré », avertit Jason Erskine, propriétaire d’une ferme de 180 vaches en lactation située près des États-Unis.
Comme ses voisins, cet agriculteur voit fréquemment des camions-citernes arborant le logo Lait 100 % canadien franchir le poste frontalier. Ceux-ci transportent des concentrés laitiers des États-Unis vers les usines de l’Ontario et du Québec. M. Erskine n’apprécie pas le fait qu’on berne le consommateur et qu’on mélange son lait – produit selon des critères plus stricts – avec celui des Américains. « Est-ce que tu vois des Big Mac livrés dans des camions de Tim Hortons? Non. Je n’aime pas l’idée que nos transformateurs importent un produit caché dans un camion avec notre logo », dénonce-t-il.
Un veau à la frontière
Les producteurs ont amené un veau dans une huche qu’ils ont placée en bordure de la route, à quelques mètres de la douane, avec une affiche sur laquelle on pouvait lire « No US milk trucks beyond this point » (Défense aux camions de lait américains de passer). « C’est un veau né ce matin même. Ça va prendre deux ans avant qu’il donne du lait. D’ici ce temps, il m’en coûtera 3 000 $ en nourriture et en soins. S’ils ouvrent la frontière, et si je n’ai plus de marché pour mon lait dans deux ans, je ne garderai pas mes veaux pour rien. Je serai obligé de diminuer la taille de ma ferme, je serai perdant, mes enfants seront perdants et tous les gens qui travaillent directement ou indirectement pour mon exploitation seront perdants », explique M. Erskine, en entrevue à la Terre.
En fin de manifestation, les producteurs ont décidé de bloquer pendant quelques minutes la route menant à la douane avec un tracteur. Un geste symbolique, ou plutôt, un avertissement...
À Saint-Armand aussi
Bloquer la frontière aux camions de lait américains, voilà une idée qui fait son chemin dans la tête de Michelle Soucy, une productrice laitière située elle aussi près de la frontière, mais à Saint-Armand, un village à environ 100 km à l’est de Herdman. « Nous sommes une petite entreprise de 25 vaches, qui vient de démarrer avec un prêt de 10 kg de quotas. La baisse du prix du lait, ça nous affecte. Et quand on voit le camion rentrer des États-Unis, on se dit que ça n’a pas de bon sens : le lait qui entre, c’est du lait qu’on ne produira pas », peste Mme Soucy, rencontrée à la manifestation du 1er octobre à SaintHyacinthe. La jeune femme, qui se trouvait aux côtés de sa fille, n’affiche aucune animosité, mais elle en a assez et jure qu’il faut passer à la prochaine étape : bloquer les frontières. « Les producteurs grognent. J’ai parlé à plusieurs d’entre eux et nous n’aurons pas de misère à recruter du monde. C’est officiel, ça s’en vient », prévient-elle.