TransCanada fait face à la spécificité du Québec
TransCanada ne ferme pas complètement la porte à des compensations sous forme de loyer annuel pour les producteurs agricoles qui seront touchés par le passage de son oléoduc Énergie Est. L’entreprise est cependant réticente puisqu’elle considère que ça introduirait une exception en Amérique du Nord.
« Le loyer annuel fait partie des discussions. Notre point de départ, c’est que ça ne marche pas comme ça dans l’industrie », a déclaré Tim Duboyce, porte-parole de TransCanada, en entrevue à la Terre. Ce dernier estime que d’accepter des loyers annuels, comme le demande l’Union des producteurs agricoles (UPA), serait un « virage important » qui risquerait d’instaurer une nouvelle façon de faire dans l’industrie.
Pour le moment, TransCanada prévoit plutôt des compensations « ponctuelles » liées aux pertes de revenus démontrées. Ainsi, le promoteur de l’oléoduc Énergie Est est habitué de verser des dédommagements pour les visites de propriété préalables à la construction, pour la saison perdue lors de la construction et pour les pertes de récoltes des années subséquentes si « le producteur fait la démonstration que sa récolte est moindre ».
Il faut dire que TransCanada négocie habituellement avec les producteurs agricoles sur une base individuelle. « La situation est un peu unique au Québec parce que l’UPA parle au nom de tous les producteurs », indique le porteparole de l’entreprise de Calgary.
« Il y a eu une ou deux rencontres en vue d’une balise d’entente et la prochaine est à la fin octobre », confirme Pierre Lemieux, vice-président de l’UPA. Ce dernier rappelle que son organisation est contre le passage de l’oléoduc dans les terres du Québec, mais accepte quand même de négocier une entente de conditions minimales avec le promoteur afin de protéger les intérêts financiers et sociaux des producteurs si Ottawa et l’Office national de l’énergie (ONE) imposent finalement le passage de l’oléoduc. « Personne ne va me faire croire que les producteurs vont investir dans des avocats pour s’assurer qu’ils ne se font pas avoir par des mots en petits caractères dans les contrats », explique M. Lemieux.
Plan d’urgence
« On paye pour tout », indique Tim Duboyce, en parlant des frais encourus en cas de déversement ou d’accident. L’apport d’eau potable pour les fermes et l’équipement de dépollution, par exemple, seraient à la charge de TransCanada. Les municipalités ne seraient responsables que du travail de premier répondant et de l’établissement d’un périmètre de sécurité. La loi fédérale prévoit d’ailleurs que l’entreprise doit démontrer qu’elle a la capacité financière de débourser jusqu’à un milliard de dollars en cas de fuites de pétrole dans l’environnement. Le plan d’urgence sera divulgué bien avant 2020, soit l’année prévue pour la mise en service.
M. Duboyce ajoute par ailleurs que son entreprise travaille tous les jours pour arriver à atteindre son objectif de zéro incident. Il affirme aussi que les fuites sur son oléoduc Keystone 1, principalement situé aux États-Unis, étaient « petites » et ont toutes été contenues sur le terrain de TransCanada. Notons tout de même qu’une fuite de 500 barils de pétrole a eu lieu au Dakota du Nord, en 2011. Selon un agriculteur du coin, c’est lui qui a signalé la fuite à TransCanada même si l’entreprise estime de son côté que son système de surveillance électronique a fait le travail.
L’UPA n’est pas rassurée par le concept de « capacité financière » d’éponger les factures en cas de catastrophe. « On veut que ce soit des fonds à part », insiste le vice-président, qui précise que l’UPA veut également que le pipeline soit retiré du sol à la fin de sa vie utile pour éviter les effondrements et qu’on ne peut pas être certain que TransCanada sera toujours solvable dans 20 ou 30 ans. TransCanada se dit par ailleurs consciente que l’ONE pourrait exiger l’enlèvement des tuyaux lorsque l’ouvrage sera « décommissionné ». « Si ça arrive, on est responsables de le faire », admet Tim Duboyce.