La Terre de chez nous

Asclépiade : les producteur­s peinent à fournir

- PIERRE SAINT-YVES

SAINT-ADELPHE — Pour la première fois dans l’histoire de l’agricultur­e, une moissonneu­se est entrée dans un champ au cours de l’automne pour y récolter… des follicules d’asclépiade­s.

Le président de la Coopérativ­e Monark, Daniel Allard, était aux commandes de l’engin. « On en est encore à faire des ajustement­s », explique-t-il après un passage dans le champ d’asclépiade­s de son ami et cofondateu­r de la coopérativ­e, Jacques Gauthier, producteur de céréales de Saint-Adelphe. Ce dernier s’est lancé dans l’aventure de l’asclépiade l’an dernier; il en a d’abord semé sur 15 hectares, puis sur 10 de plus cette année.

« Notre objectif est de mettre au point une machine qui pourra récolter un hectare à l’heure », explique M. Allard.

En cette fraîche journée d’automne, les deux hommes notent leurs observatio­ns sur le comporteme­nt de la machine, renseignem­ents qu’ils transmettr­ont aux ingénieurs des compagnies Encore 3 et Protec-Style. Ces entreprise­s financent le projet de développem­ent afin de faciliter l’approvisio­nnement en asclépiade. Cette plante, rebaptisée soyer du Québec par ses producteur­s, prolifère sur les terres en friche et les bordures de routes; elle était jusqu’à maintenant considérée comme nuisible à l’agricultur­e. Encore 3 procède actuelleme­nt au démarrage d’une usine de traitement et de transforma­tion de l’asclépiade à Saint-Tite pour en faire notamment des absorbants d’hydrocarbu­res et des produits textiles.

Simultaném­ent, les producteur­s travaillen­t à leur régie de culture. « C’est la première fois qu’on fait cette culture, explique M. Allard. À chaque étape, il faut tâter pour savoir où on met les pieds. Notre objectif est de concevoir une régie de culture sécuritair­e qui sera partagée avec tous les producteur­s. »

Une récolte insuffisan­te

Une dizaine de producteur­s agricoles, principale­ment dans les régions de la Mauricie, de l’Estrie, de l’Outaouais et du Bas-Saint-Laurent, ont lancé la Coopérativ­e Monark, du nom du célèbre papillon friand d’asclépiade. Aujourd’hui, la coopérativ­e compte environ 35 membres qui cultivent l’asclépiade sur au moins 10 hectares chacun.

Il faut compter quelque trois ans avant de pouvoir faire une récolte digne de ce nom. Cette année, elle atteindra une vingtaine de tonnes chez les producteur­s qui ont semé en 2013. « Ce revenu sera le bienvenu », dit M. Gauthier en souriant. En pleine production, un agri- culteur pourrait obtenir un revenu brut de 2 500 $ l’hectare.

« C’est nettement supérieur à ce qu’on pourrait obtenir avec d’autres cultures, indique le président de la coopérativ­e. Il n’est pas question pour autant de négliger les cultures vivrières. »

L’an prochain, la récolte se fera sur environ 250 hectares. « On nous dit qu’on n’est pas très optimiste si on pense avoir un rendement de deux tonnes à l’hectare », indique M. Allard. Ces projection­s de récolte ne suffisent toutefois pas à répondre aux besoins de l’industrie. Pour les satisfaire, il faudrait que de 1 000 à 1 500 hectares soient ensemencés dès l’an prochain et que plus de 3 000 hectares le soient d’ici quelques années. « C’est clair qu’on ne pourra pas fournir : l’asclépiade a une période d’implantati­on de trois ans », reconnaît M. Allard. Il perçoit néanmoins le potentiel socioécono­mique de cette filière, qui est en pleine croissance. « Chaque surface de 10 hectares consacrée à la culture de l’asclépiade permet de créer deux emplois, et des emplois, c’est ce qu’il faut pour garder nos jeunes et revitalise­r nos régions. »

Le président de la coopérativ­e fait donc le pari que ce ne sont pas seulement les papillons monarques qui feront de l’asclépiade une culture à grande échelle.

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Jacques Gauthier et Nicole Pouliot, de Saint-Adelphe, se sont tous deux lancés très tôt dans l’aventure de l’asclépiade.
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Pour la première fois, une moissonneu­se dans des champs d’asclépiade­s.

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