Les Américains grands gagnants
En vertu du Partenariat transpacifique (PTP), le Canada concède plus de 3 % de son marché laitier. Alors que cette ouverture bénéficiera aux États-Unis, plusieurs se demandent quelles concessions les Américains font-ils en retour.
Selon le PTP, les États-Unis accordent une série de contingents tarifaires, dont 18 000 tonnes de fromages, aux termes des cinq premières années de l’entente. « Ce ne sont pas des accès équivalents aux nôtres. Ça reste des niches », résume François Dumontier, conseiller aux relations publiques et gouvernementales aux Producteurs de lait du Québec (PLQ). En contrepartie, le gouvernement canadien attribue un accès supplémentaire à 14 500 tonnes de fromages, dans un marché environ 10 fois moins important que celui des États-Unis. Avant la signature du PTP, le Canada importait davantage de produits laitiers que les États-Unis. Selon les chiffres des PLQ, les importations occupent déjà 8 % du marché canadien. De cette proportion, 78 % des produits proviennent des États-Unis. De leur côté, nos voisins du Sud importent 3 % de leurs besoins.
M. Dumontier rappelle que le principal outil de protection des Américains, les subventions, n’est pas sur la table. Selon les années, le budget versé en subventions directes aux producteurs laitiers des États-Unis a varié entre 200 M$ US et 1,3 G$ US.
Par opposition, les producteurs canadiens sous gestion de l’offre ne touchent aucune subvention.
Coût de production
Une récente étude conduite par le Boston Consulting Group (BCG) pour le compte d’Agropur souligne la menace que représentent les États-Unis. À moins de 250 km de la frontière se trouve un potentiel d’approvisionnement de 960 000 vaches laitières américaines, soit l’équivalent de tout le cheptel canadien, à un coût comptant de production de 10 % à 23 % plus bas qu’au Canada et par des fermes largement moins endettées qu’ici. Le voisin américain compte environ 200 usines de transformation laitière à moins de 500 km du Canada. Ces usines misent sur des coûts de main- d’oeuvre moins élevés et des économies d’échelle dues à leur plus grande taille.
Raz de marée?
Un chercheur de l’Université Cornell, Andrew Novakovic, prédit que l’industrie laitière américaine pourrait inonder le marché canadien. « Même si le Canada n’a concédé aux importations que 3,25 % de son marché laitier, cela représente une toute nouvelle opportunité pour les ÉtatsUnis de développer des relations d’affaires avec les transformateurs canadiens et de gagner la confiance des consommateurs. Cette opportunité sera offerte à toutes les entreprises laitières américaines, mais sera particulièrement alléchante pour celles des États limitrophes, comme New York », croit-il.
Main-d’oeuvre
Les producteurs de lait américains craignent de voir leur coût de production exploser. La National Milk Producers Federation (NMPF) assure qu’une réforme trop sévère de l’immigration mettrait à risque l’emploi de travailleurs étrangers dans les fermes. À l’heure actuelle, la moitié de la main-d’oeuvre laitière des États-Unis est constituée de travailleurs étrangers. L’interdiction de recourir à ces employés pourrait faire doubler le prix du lait au détail et occasionner des pertes de 32 G$ pour l’économie américaine, révèle une étude de l’Université Texas A&M. « Les producteurs laitiers ont essayé désespérément de recruter des travailleurs américains, avec peu de succès, et ce, en dépit d’un revenu moyen bien audessus du salaire minimum aux ÉtatsUnis », s’est défendu Randy Mooney, membre du conseil d’administration de la NMPF. Le Congrès américain ne s’est toujours pas prononcé sur la réforme de l’immigration.