Une enquête à grand déploiement
Michel Comeau, de la Sûreté du Québec, était enquêteur en chef lorsque la disparition de 9 571 barils de 45 gallons sur les 16 224 que contenait l’entrepôt a été constatée. À l’extérieur du palais de justice, il a révélé à la Terre : « Je me suis dit que s’il y avait eu un vol aussi important, il fallait quelqu’un pour écouler la marchandise, faire le transport et la transformation. Les soupçons se sont tournés vers Avick Caron, 40 ans, qui avait des liens avec les propriétaires de l’entrepôt, et ça nous a conduits à Richard Vallières, qui avait des connaissances dans la vente de sirop. » L’enquêteur en chef faisait partie du bureau régional d’enquête de la Mauricie–Centre-du-Québec. « J’ai mentionné à mes patrons qu’il s’agissait d’une enquête nationale, car le sirop allait être vendu partout. Il me fallait du budget et un grand nombre de policiers, car c’était du jamais vu comme vol. » Ainsi a démarré l’opération Luisance.
Finalement, 237 policiers ont travaillé de près ou de loin à cette enquête, en plus du personnel de bureau de la SQ. Les agents ont parcouru le Québec, l’Ontario, le Nouveau-Brunswick et le nord des États-Unis à la recherche du sirop, des acheteurs et des malfaiteurs.
Ils ont fait une centaine de perquisitions, saisi de nombreux téléphones cellulaires et réalisé 300 rencontres avec divers intervenants, tant dans le secteur du sirop que dans celui du transport et de la vente de contenants. Des techniciens en scènes de crime ont cherché des empreintes digitales sur chacun des barils dans l’entrepôt et tout autre indice pendant presque deux mois. Même un chien pisteur a été mis à contribution. Le 18 décembre 2012, moins de quatre mois après le début de l’enquête, Avick Caron et Richard Vallières ont été arrêtés. Puis, une vingtaine d’autres individus ont subi le même sort.
La police a localisé 4,5 millions de livres de sirop et a pu en récupérer 900 000 livres. Au total, 3,3 millions de livres avaient été achetées par des entreprises du Vermont à un prix qui s’approchait de celui du marché. « On a fait des démarches auprès du gouvernement américain et on s’est fait répondre que, si on reprenait le sirop, ces entreprises qui emploient plus d’une centaine de travailleurs fermeraient leurs portes », a mentionné Michel Comeau.
« Ce crime a fait tout de même 7 500 victimes, soit tous les producteurs acéricoles du Québec, et ce, à la hauteur d’une moyenne de 15 000 $ chacun », conclut l’enquêteur, qui a par la suite été affecté à la Commission d’enquête sur la construction, la célèbre commission Charbonneau.