Les producteurs de lait ont gagné… et perdu
BOUCHERVILLE — Les producteurs de lait gagnent et perdent à la fois dans l’entente intervenue avec les industriels. D’une durée de sept ans, l’accord de principe prévoit notamment la création d’une nouvelle classe d’ingrédients payée au prix mondial et assortie d’une clause anticannibalisation.
Les Producteurs de lait du Québec (PLQ) disent avoir réalisé un gain « significatif » dans la gestion des surplus structurels de solides non gras. Jusqu’ici à la charge des producteurs, ces produits comme la poudre de lait écrémé seront dorénavant sous la responsabilité des transformateurs. Ces derniers garantissent leur rachat à 100 %, excluant le hors quota.
La clause anticannibalisation vise à protéger les classes 1 à 3, plus lucratives pour les producteurs. Elle établit des seuils de paiements selon l’utilisation des produits, processus qui sera vérifié par un bureau d’audit. Sans ce mécanisme, admettent les PLQ, aucun accord n’aurait pu être conclu.
« Sommes-nous gagnants? Selon moi, oui, compte tenu du contexte », a déclaré le directeur général des PLQ, Alain Bourbeau. Celui-ci a notamment rappelé l’inaction d’Ottawa dans le contrôle des frontières et la défection de l’Ontario, qui a conclu une entente en catimini avec deux industriels. Un rejet de l’accord par le Québec, pense- t-il, pourrait représenter « l’autoroute » pour mettre fin à la gestion de l’offre.
« On a arrêté l’hémorragie. Ce n’est pas le Pérou, mais le statu quo était intenable », a pour sa part affirmé Bruno Letendre, président des PLQ. Il a reconnu que la conclusion d’une entente parallèle par ses homologues ontariens avec deux industriels avait ébranlé les producteurs.
« On a pris plus de temps à négocier entre nous qu’avec les transformateurs », a-t-il révélé, avec un goût amer dans la bouche. Il est visiblement cha- touillé par certaines positions à l’égard des importations de lait diafiltré.
« Ils [le gouvernement fédéral] ont peur des Américains, a enchaîné Alain Bourbeau à ce sujet. Le Québec est le seul à revendiquer à pareil niveau. »
Les termes de l’entente de principe ont été acceptés par les divers partenaires lors d’une récente réunion des membres du Comité canadien de gestion des approvisionnements laitiers (CCGAL). La Commission canadienne du lait représentant le fédéral a réclamé un délai, le temps de vérifier l’impact de l’accord sur son rôle. Elle doit rendre son verdict au plus tard le 15 septembre. Au mieux, espère-t-on, l’entente pourrait entrer en vigueur le 1er novembre prochain ou avant si possible.
Les PLQ s’attendent par ailleurs à un automne « difficile », prévoyant que le prix devrait descendre sous la barre des 70 $/hl, soit à 69,72 $ jusqu’en février prochain. La nouvelle stratégie, préviennent-ils, sera encore en déploiement et il faudra attendre 2017 avant de profiter de la totalité de ses bénéfices.