Des taureaux de combat
SAINT-PAUL — Dominic Roy possède, sur ses terres de Saint-Paul dans Lanaudière, un troupeau unique en son genre. Quand on les regarde brouter au loin dans leur champ, ses sept taureaux ont l’air de placides ruminants. Et pourtant, ce sont des Mexican Fighting Bulls, une race spécialement destinée au combat.
« Ils sont plutôt petits et vifs, plus nerveux et plus agressifs que les taureaux de rodéo qu’on trouve généralement au Québec, dit Dominic Roy. C’était la race idéale pour mon projet de Freestyle Bullfighting. »
Les Mexican Fighting Bulls sont de véritables athlètes. Trapus, à la robe brune et aux cornes bien courbées, ils ressemblent aux taureaux de corrida espagnols avec lesquels ils partagent beaucoup de caractéristiques physiques et comportementales. « Les Bucking Bulls, utilisés par les monteurs de taureaux, sont des animaux qui font facilement des ruades, qui tournoient sur eux-mêmes. Les races de Fighting Bulls comme les miens ont plutôt tendance à charger; ça fait un bon spectacle et c’est ce que je cherchais. »
Dominic Roy n’est pas né dans une ferme. Montréalais d’origine, il est monté sur un cheval pour la première fois un peu par hasard. « J’ai d’abord travaillé dans des centres équestres durant mon adolescence et commencé le rodéo en montant des taureaux sauvages. Le métier m’attirait, alors vers 20 ans, j’ai fait l’école de Saint-Tite et je suis devenu bullfighter. » Détourner l’attention du taureau lorsque le cowboy chute et l’attirer ailleurs, voilà la mission de ceux qu’on appelle communément des bullfighter.
De fil en aiguille, Dominic Roy s’est intéressé aux compétitions de Freestyle Bullfighting qu’on retrouve aux ÉtatsUnis. Un jeu qui met en valeur les stratégies et l’agilité du bullfighter, dans ce cas-ci seul avec le taureau dans l’arène. « Il faut déjouer l’animal, être plus agile que lui pour éviter ses charges, tout en respectant un chronomètre. Les spectateurs aiment quand c’est spectaculaire et que ça brasse, alors c’est très apprécié. »
Dominic Roy s’est mis en tête de lancer ce sport extrême au Québec, un projet qui s’est concrétisé avec l’acquisition de son troupeau de taureaux, il y a quatre ans, et la création du circuit Extrême Bullfighting. Depuis, ses « athlètes » font le tour des rodéos du Québec, ce qui permet aux bullfighter de démontrer leur ruse et leur habileté.
Loin des bêtes de corrida, qu’on imagine mourir dans de terribles souffrances à coups de roches et piquées de lances, les taureaux de Dominic Roy sont plutôt des stars, traitées aux petits oignons. « Ils performent 30 secondes par fin de semaine et le reste du temps, ils broutent au champ. Ils ont même une moulée faite spécialement pour eux par un agronome. Ce sont des animaux qui valent cher; pas question de leur faire mal. »
Si quelqu’un prend des coups dans le Freestyle Bullfighting, c’est bien l’humain. Il faut voir la force du taureau lorsqu’il charge, les cornes en avant. Difficile de croire qu’il soit agressif à ce point de son plein gré, et pourtant, ni blessure ni piqûre d’adrénaline ne lui sont infligées. « Je ne sais pas d’où ça sort, ces préjugés, mais ça relève du mythe, assure Dominic Roy. L’agressivité et le fait de charger sont dans la nature de cet animal. C’est pour ça que la race a été sélectionnée. »
Bien qu’ils semblent le reconnaître quand il vient les soigner au champ, les taureaux de Dominic Roy n’ont aucune pitié pour lui une fois dans l’arène, où il redevient à leurs yeux un bullfighter comme les autres. Faut-il être un peu fou pour faire ce métier? « J’ai toujours dit que je ne me rendrais pas à 40 ans, mais je commence à penser que je vais y arriver », dit le téméraire éleveur.
La compétition Extrême Bullfighting s’est déroulée dans plusieurs rodéos à travers le Québec cet été. La dernière occasion de voir cet événement spectaculaire sera au Festival Western de St-Tite, le 14 septembre prochain.