La Terre de chez nous

Le triomphe de la fromagère

- MYRIAM LAPLANTE EL HAÏLI

RACINE — Quand elle s’est lancée en production fromagère, en 2010, Marie-Chantal Houde savait dans quoi elle s’embarquait. « Je suis une femme dans un monde d’hommes, qui veut aider et sauver tout le monde, raconte la copropriét­aire de la Fromagerie Nouvelle France. Je me suis fait dire à l’occasion : “Calme-toi, la jeune!” »

La semaine dernière, la productric­e et son équipe ont reçu cinq prix, dont celui du 2e meilleur fromage du Québec, le Caseus d’Argent, pour son fromage La Madeleine. Force est de constater que le titre de Jeune agricultri­ce 2015, décerné par la Fédération des agricultri­ces du Québec, lui était véritablem­ent destiné.

Croissance

Il y a quelques années, Marie-Chantal et son frère Jean-Paul ont troqué les vaches de la ferme de leurs parents pour des brebis laitières. La première année, leurs bêtes n’ont donné que 20 000 litres de lait. « En équivalent lait de vache, personne ne démarrerai­t une fromagerie avec 20 000 litres! » dit-elle. Aujourd’hui, avec l’aide de quatre autres bergeries, la fromagère transforme 170 000 litres de lait dans les locaux de la Fromagerie du Presbytère à Sainte-Élizabeth-deWarwick. « Ma production augmente de 40 % par année. La prochaine marche va être difficile à monter, mais on devrait y arriver », mentionne la copropriét­aire. Cela démontre que le fromage de brebis est de plus en plus populaire auprès des consommate­urs d’ici. Une tendance qui n’est pas non plus étrangère au fait que la Fromagerie accumule les trophées et gagne en visibilité depuis quelques années.

Jeune femme dans le fromage

« En France, les fermes comme la mienne reçoivent une subvention d’au moins 80 000 € par année. C’est récurrent dans la région de Roquefort, explique-t-elle. De cette somme, juste parce que je suis une femme, j’aurais droit à 18 000 € à vie, tant que je reste en agricultur­e. » Ses amis français trouvent que les producteur­s québécois travaillen­t trop.

« N’importe quel entreprene­ur le dirait : le succès, c’est aussi beaucoup de sacrifices », précise MarieChant­al, qui soulève d’emblée l’importance de l’investisse­ment et du don de soi. La jeune femme de 35 ans est heureuse d’avoir remporté le titre de Jeune agricultri­ce 2015 au Gala Saturne, même si elle ne s’y attendait pas vraiment. « J’ai un bon profil, mais celui des autres candidates présentes était aussi notable. Moi, je n’ai pas d’enfants; c’est ça que je voulais dire par faire un don de soi. » Elle a le syndrome de l’imposteur, exacerbé par la présence de candidates qui jonglent avec la vie de famille et le travail à la ferme. « Je ne suis pas du tout rendue là, mais je suis très fière de pouvoir donner de la visibilité à l’entreprise et à l’industrie de la brebis laitière », dit Marie-Chantal.

La Fromagerie Nouvelle France et Marie-Chantal Houde ont néanmoins le vent dans les voiles. Et il n’a pas fini de souffler puisque la fromagère fait partie des 10 finalistes du concours Tournez-vous vers l’excellence!, de La Financière agricole du Québec. Gageons que le 23 novembre, lors du dévoilemen­t des lauréats, Marie-Chantal Houde pourra ajouter un trophée à sa collection.

 ??  ?? Marie-Chantal Houde, en pleine production du fromage Pionnier, gagnant du prix Caseus d’Or en 2014.
Marie-Chantal Houde, en pleine production du fromage Pionnier, gagnant du prix Caseus d’Or en 2014.

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