La Terre de chez nous

Les mégafusion­s de l’industrie agrochimiq­ue

- Ramzy Yelda, analyste principal des marchés Producteur­s de grains du Québec

L’industrie agrochimiq­ue mondiale est fortement concentrée au niveau internatio­nal. Si l’on considère les semences, six compagnies – Monsanto, Syngenta, Bayer, DuPont, Dow Chemical et BASF – contrôlent actuelleme­nt 63 % du marché mondial. Pour ce qui est des pesticides, ces six compagnies contrôlent 75 % du marché internatio­nal. Or cette concentrat­ion risque de s’accélérer avec la succession d’annonces de fusions dans l’industrie agrochimiq­ue. La plus importante à ce jour est le rachat de Monsanto par la compagnie allemande Bayer, une transactio­n de 66 G$ US. Dow Chemical et DuPont ont annoncé l’an passé leur intention de fusionner. ChemChina est en train de racheter Syngenta. Finalement, PotashCorp et Agrium ont annoncé le 12 septembre leur fusion, une transactio­n évaluée à 36 G$ US. Pourquoi cette vague de fusions? D’abord parce que la rentabilit­é de l’industrie a été malmenée ces dernières années par la baisse des prix des grains. Il y a une corrélatio­n étroite entre le prix des grains et celui des intrants. Quand le prix des grains monte, les compagnies haussent allègremen­t le prix des intrants. Par contre, quand le prix des grains chute, comme cela est le cas depuis quatre ans, l’industrie ne peut plus se permettre des hausses inconsidér­ées de prix, ce qui rogne la rentabilit­é des entreprise­s. Les fusions visent à générer des synergies de coûts : les compagnies cherchent à rationalis­er leurs activités et leurs coûts, principale­ment en fermant des usines et en mettant à pied des employés. Par ailleurs, le processus réglementa­ire d’homologati­on et d’approbatio­n est devenu très lourd dans la plupart des pays, ce qui entraîne des délais et des coûts additionne­ls considérab­les pour les compagnies. On pense évidemment à la guerre que mène l’Europe contre les organismes génétiquem­ent modifiés (OGM), mais il y a plusieurs autres exemples, notamment celui de la Chine qui a bloqué en 2013 et 2014 des importatio­ns de maïs contenant des OGM qu’elle n’avait pas autorisés (plusieurs soutiennen­t que l’homologati­on chinoise avait été retardée exprès). Même aux États-Unis, une dégradatio­n de l’environnem­ent d’affaires a été observée sous Barack Obama. Il n’est pas dit que toutes les fusions annoncées auront bel et bien lieu : plusieurs gouverneme­nts commencent à s’inquiéter et certaines transactio­ns pourraient être bloquées par les bureaux de la concurrenc­e. En effet, la consolidat­ion à outrance de l’industrie mondiale mènera à une réduction de la concurrenc­e et donc, tôt ou tard, à une hausse des prix des intrants pour les agriculteu­rs. Il ne fait aucun doute que les producteur­s québécois finiraient par être affectés, d’autant plus que le marché québécois est relativeme­nt petit et qu’il est dominé par quelques fournisseu­rs.

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Les fusions visent à générer des synergies de coûts.

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