Le projet canadien abandonné
Les autorités fédérales et Agritraçabilité Québec le confirment : la traçabilité canadienne unifiée ne sera finalement pas possible.
Une demande de dissolution des Services de traçabilité agricole du Canada (STAC), qui devaient assurer une traçabilité nationale unifiée, a en effet été déposée par des administrateurs du Québec en raison d’un profond désaccord au conseil d’administration.
« Les STAC sont au point de rupture et ne sont pas capables de livrer leur mandat », a soutenu Pierre Lemieux, viceprésident de l’Union des producteurs agricoles (UPA), président du conseil d’administration d’Agri-Traçabilité Québec (ATQ) et administrateur des STAC. L’obligation réglementaire de mettre en place la traçabilité de six espèces animales (bisons, bovins, moutons, porcs, chèvres et cervidés) d’un océan à l’autre est toujours prévue pour 2017. Cependant, plusieurs banques de données différentes vont alimenter un registre canadien géré par l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA).
Des questions importantes se posent toutefois sur la possibilité de respecter l’échéancier et sur le rôle des deux principales organisations de cueillette de données pour la traçabilité : ATQ, qui est basée à Longueuil, et l’Agence canadienne d’identification du bétail (ACIB), située à Calgary.
En octobre 2014, les STAC avaient reçu une subvention de 7,5 M$ du gouvernement fédéral. C’est le système informatique développé par ATQ qui avait alors été sélectionné comme plateforme de gestion des données pour le projet canadien. Le rôle d’ATQ sur la scène canadienne est moins clair aujourd’hui.
Qui fera la traçabilité?
L’ACIB de Calgary est pour le moment la seule organisation reconnue par l’ACIA pour gérer entièrement la traçabilité des espèces réglementées au Canada (responsable légale). Même si ATQ a été la pionnière de la traçabilité au Canada depuis 15 ans et que son expertise a été largement démontrée, l’organisation québécoise n’a pas ce même statut. Elle peut uniquement être un fournisseur de services sans être responsable légale de la traçabilité d’une espèce animale au niveau canadien.
L’organisation albertaine a donc une longueur d’avance sur ATQ pour prendre une plus grande place dans la traçabilité canadienne, ce qui ne réjouit pas Pierre Lemieux. « Il va falloir qu’Agriculture et Agroalimentaire Canada [AAC] mette les règles au clair pour permettre une saine compétition entre ATQ et l’ACIB », soutient-il. Pierre Lemieux souhaite en fait que les organisations de producteurs dans une espèce animale donnée puissent être reconnues comme responsables légales (administratrices) de leur traçabilité et qu’elles puissent ensuite choisir librement celui qui leur offrira le service de collecte et de gestion des données.
Le Conseil canadien du porc (CCP), par exemple, a été reconnu comme responsable de la traçabilité du porc au Canada, mais il a décidé de confier une partie du travail de gestion des données à ATQ par la suite.
Pour les autres espèces, comme les cervidés ou les moutons, il est toutefois possible que les représentants des éleveurs souhaitent confier l’ensemble du mandat de traçabilité (responsabilité et services) à une même organisation.
L’ACIA étudie le dossier
« C’est toujours à l’étude », affirme Éric Aubin, responsable de la gestion de la traçabilité à l’ACIA, à propos de ce statut réclamé par ATQ. Il estime que cela pourrait prendre encore « plusieurs mois » avant de finaliser le tout étant donné les conditions qui seront exigées et l’aspect légal du dossier.