Un troupeau entier exposé à la bactérie
« Mon fils est venu me voir un vendredi après-midi. Il m’a lancé : “Éteins le tracteur, mais reste bien assis.” C’est là qu’il m’a dit que tout notre troupeau était infecté par la bactérie Salmonella Dublin », raconte Jean-Pierre Baril, un producteur laitier de Plessisville, qui possède 150 vaches en lactation. « Ce n’est pas seulement les vaches laitières : les 125 taures aussi sont exposées à la bactérie », renchérit son fils.
Les Baril ont du courage. Au lieu de dissimuler leur situation, ils ont décidé d’en parler publiquement afin d’avertir du danger les autres producteurs de lait.
L’alerte
L’histoire a commencé en avril dernier lorsque les Baril ont acheté un veau d’une autre ferme. L’animal est mort peu après son arrivée et d’autres veaux ont ensuite subi le même sort. Puis, en août, des veaux qui souffraient de fièvre et qui étaient amorphes ont été euthanasiés. Leur carcasse a été envoyée au laboratoire, qui a confirmé la présence de la bactérie Salmonella Dublin. L’alerte a été lancée.
Puis, les regards se sont tournés vers les 150 vaches adultes. Des échantillons de sang ont été prélevés, dont la majorité révélait un taux d’anticorps élevé, ce qui montrait que l’ensemble du troupeau était aussi exposé à la bactérie. « Quand j’ai appris ça, je peux te dire que je n’ai pas dormi », commente M. Baril.
Des vaches fiévreuses et quelques avortements pourraient être attribués à la Salmonella Dublin, mais globalement, la production de lait n’a pas été affectée.
Les propriétaires ont rapidement informé leurs proches que le lait cru de la ferme était impropre à la consommation humaine. Ils ont aussi averti leurs voisins du statut de leur troupeau : finie l’utilisation commune d’équipement comme avant.
Aidée par son vétérinaire, la Ferme Baril & Frère a mis en place des règles de biosécurité très strictes, comme désinfecter l’étable aux deux semaines. Les efforts ont porté fruit, car après que l’entreprise eût perdu plus d’une douzaine de veaux, la situation est devenue stable. « Mais ça fait un méchant trou dans notre relève », soutient M. Baril.
« C’est plus gros qu’on pense »
L’arrivée de la Salmonella Dublin à la Ferme Baril & Frère a changé le quotidien des propriétaires. « Il y a beaucoup de précautions à prendre, mais on vit bien avec la situation. Ce qui est dommage, c’est qu’on ne peut plus vendre d’animaux. En fait, on pourrait, mais on ne le fait pas, par respect pour les autres producteurs », dit Olivier Baril. Ce dernier croit qu’à l’heure actuelle, des fermes vendent volontairement ou sans le savoir des bêtes exposées à la maladie. « Le problème est plus gros qu’on pense. À voir la façon dont c’est géré, je crois que pas mal toutes les fermes vont être aux prises avec la bactérie, et ça pourrait faire mal », juge-t-il. JeanPierre Baril est d’accord avec son fils : « Le veau paraît impeccable. Le lendemain, tu le retrouves mort, et bang! Ton troupeau est exposé à la Salmonella Dublin. C’est quelque chose que tu ne vois pas venir. Si j’étais à la place des responsables du ministère de l’Agriculture ou des Producteurs de lait du Québec [PLQ], je mettrais mes culottes et je ferais analyser le lait de toutes les fermes. Surtout qu’une analyse coûte seulement une douzaine de dollars par ferme », affirme Jean-Pierre Baril. Certains producteurs militent pour un registre de fermes « certifiées sans Salmonella Dublin », où ils pourront acheter des animaux l’esprit tranquille.
Les PLQ, par l’entremise de leur porte-parole François Dumontier, disent travailler sur un protocole d’intervention efficace pour contrôler et enrayer la maladie.
Les Baril pourraient aussi attendre et espérer que les animaux adultes finissent par éliminer eux-mêmes la bactérie, ce qui peut prendre plusieurs mois à quelques années.