La Terre de chez nous

PCTFA : il n’est pas trop tard pour bien faire

- MARCEL GROLEAU Président général de l’Union des producteur­s agricoles

Dans la présente édition de La Terre de chez nous (TCN), vous pourrez voir une publicité du ministère de l’Agricultur­e, des Pêcheries et de l’Alimentati­on du Québec (MAPAQ) à propos des changement­s au Programme de crédit de taxes foncières agricoles (PCTFA). En soi, c’est un événement puisque c’est la première fois en deux ans que le ministère utilise la TCN pour s’adresser aux producteur­s agricoles du Québec. Je vous invite donc à consulter la publicité et à revenir par la suite à cet éditorial. La publicité mise sur deux aspects pour vendre le nouveau PCTFA aux producteur­s : la simplifica­tion administra­tive et l’augmentati­on du budget global pour 2017 et 2018. De façon générale, la simplifica­tion administra­tive est un objectif louable. Dans ce cas-ci, il est toutefois uniquement à l’avantage du gouverneme­nt. Pour ce qui est du budget global, les sommes additionne­lles sont nécessaire­s en vertu de la hausse des taxes prélevées sur les terres agricoles, dont la valeur a augmenté de 800 % en 20 ans. Les nouveaux rôles d’évaluation, qui déterminen­t la valeur taxable du foncier agricole, font augmenter le coût des taxes. Le crédit de taxes coûte plus cher au gouverneme­nt, car les producteur­s paient plus de taxes. Avec l’impact des changement­s annoncés, le coût des taxes foncières payées par les producteur­s aura doublé en 10 ans. Et comme les moyennes cachent toujours les extrêmes, c’est beaucoup plus pour certains. Les calculs du gouverneme­nt quant à l’impact des changement­s diffèrent de ceux de l’UPA. Cela s’explique par la méthode utilisée pour évaluer l’effet de la réforme. Pour véritablem­ent quantifier la simplifica­tion annoncée, il faut l’isoler de l’augmentati­on du budget. En appliquant le taux annoncé de 78 % sur les comptes de 2016, on obtient une augmentati­on moyenne de 30 à 40 % des coûts pour plus de 80 % des entreprise­s. Tous les pays ont des lois ou des programmes pour exempter ou limiter les taxes applicable­s au territoire agricole. L’Ontario utilise un taux distinct équivalent à 25 % du taux résidentie­l, alors que l’Australie n’applique pas de taxes au foncier agricole. Au Québec, les terres agricoles sont taxées au taux déterminé par chaque municipali­té, à partir de l’évaluation foncière établie selon la valeur des transactio­ns dans cette région. On applique au foncier agricole les mêmes principes qu’au résidentie­l. Un producteur agricole sera toujours prêt à payer plus cher pour la terre voisine qu’un résident pour la maison du voisin. La maison du voisin n’est pas une occasion unique qu’il serait justifié de payer deux, trois ou même cinq fois le prix de l’évaluation municipale. Pour une terre agricole, ça peut être le cas. Chaque terre à vendre est une occasion unique pour un ou des acheteurs. On ne peut pas augmenter le nombre de terres en fonction de la demande (d’autant plus qu’il y a un moratoire sur les superficie­s en culture), mais on peut très bien construire plus de maisons. C’est pourquoi le prix des terres au Québec a augmenté de quelque 800 % en 20 ans et d’environ 150 % ces 10 dernières années, soit beaucoup plus rapidement que la valeur des résidences dans les mêmes régions. C’est aussi pourquoi les producteur­s assument une part de plus en plus importante du fardeau fiscal, dans une municipali­té donnée, et que le PCTFA coûte de plus en plus cher. C’est pour pallier en partie ce phénomène que le taux de remboursem­ent des taxes, dans la version actuelle du PCTFA, passe de 75 % à 85 % pour les terres dont la valeur taxable est supérieure à 1 793 $ l’hectare. Dans la réforme annoncée, le taux unique de 78 % fait complèteme­nt abstractio­n de ce phénomène. On empire donc la situation. Le MAPAQ estime qu’en éliminant le critère de 5 $ de production par 100 $ d’évaluation, on permettra à 2 500 propriétai­res de plus (3 200 si l’on inclut les exemptions) de bénéficier du programme. Encore une fois, à cause du prix des terres, on doit effectivem­ent revoir ce critère qui empêche certains producteur­s d’être admissible­s. Mais limiter les conditions d’admissibil­ité au seul fait de réaliser, dans les trois ans à venir, des ventes annuelles supérieure­s à 5 000 $ n’est pas suffisant. L’abolition de ce critère entraîne des coûts de plus de 4 M$ au programme. L’UPA et la Fédération québécoise des municipali­tés (FQM) souhaitent discuter d’une réelle réforme du PCTFA avec les ministères concernés. Je ne comprends pas pourquoi le gouverneme­nt ne veut pas donner une chance à cette discussion et à la mise en oeuvre d’une réforme durable. Pour toutes ces raisons, les producteur­s ne peuvent pas accepter cette réforme.

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