La spéculation des terres dans la mire du Sénat
Depuis un peu plus d’un mois, le Comité sénatorial de l’agriculture et des forêts entend des témoins en provenance d’un peu partout au pays pour comprendre les causes de la spéculation des terres et les défis qu’elle pose.
« Il se dégage à peu près le même constat, souligne le sénateur Ghislain Maltais, qui préside le Comité. La spéculation fait en sorte que ce ne sont pas les propriétaires qui cultivent les terres, et ceux qui les louent sont obligés d’aller vers des monocultures pour que cela soit rentable. » M. Maltais s’inquiète de l’impact de cette spéculation sur la diversité des cultures, mais aussi de l’impossibilité pour la relève de rivaliser avec de grands joueurs qui achètent des terres à fort prix parce qu’il s’agit d’un placement sûr.
Relève vs Goliath
La valeur des terres a sextuplé en 15 ans, selon les chiffres fournis par la Fédération de la relève agricole du Québec (FRAQ) lors de son passage à Ottawa le 22 novembre. La présidente Michèle Lalancette en a profité pour témoigner de son expérience personnelle à la petite ferme laitière d’Hébertville-Station, au Lac-Saint-Jean, dont elle prendra la relève. Il y a quelques années, sa famille a vu s’envoler son projet d’acquérir une terre voisine lorsque la Banque Nationale l’a achetée 3,5 fois plus cher que sa valeur.
« Maintenant, si un producteur veut vendre et qu’une relève appelle, il va dire que Pangea [qui a repris les terres de la Banque Nationale] lui a fait une offre. C’est peut-être même pas vrai, mais reste qu’ils sont sur le marché et qu’ils sont capables de payer de gros prix, alors les gens s’en servent [pour négocier] », a raconté Michèle Lalancette devant les sénateurs.
Le directeur général de l’Union des producteurs agricoles (UPA), Charles-Félix Ross, a pour sa part été entendu comme témoin le 17 novembre. Il a expliqué qu’en l’absence d’un outil provincial de surveillance, son organisation a fait l’exercice laborieux de retracer les nouveaux acquéreurs : « Lorsqu’on regarde qui transige les terres, oui, il y a beaucoup d’agriculteurs, mais il y a également beaucoup de compagnies à numéro et lorsqu’on fouille un peu, c’est souvent des compagnies qui appartiennent à des promoteurs immobiliers ou à des firmes d’avocats. »
4 000 ha dézonés par année
À une question du sénateur conservateur Jean-Guy Dagenais sur l’étalement urbain, M. Ross a révélé que les terres agricoles dézonées au Québec depuis 10 ans représentent l’équivalent du territoire de l’île de Montréal.
Le rapport contenant les recommandations du comité sénatorial est attendu d’ici le 30 juin 2017. Il sera transmis au gouvernement fédéral, qui décidera s’il y donne suite ou non.