La Terre de chez nous

L’avenir de l’agricultur­e nordique

- PATRICK RODRIGUE

ROUYN-NORANDA — L’agricultur­e pratiquée dans des conditions nordiques a-t-elle réellement un avenir au Québec? C’est le thème sur lequel les quelque 50 délégués présents à la 48e assemblée générale annuelle de la Fédération de l’UPA d’AbitibiTém­iscamingue ont été invités à réfléchir.

Au début des années 2000, les production­s bovine, ovine et céréalière étaient en pleine croissance dans la région. Quinze ans plus tard, par manque de soutien, les activités ont périclité. « De 2009 à 2015, nous avons perdu 21 % de nos fermes. C’est la baisse la plus importante de tout le Québec », a signalé le président Sylvain Vachon.

Les perspectiv­es de croissance sont pourtant bien réelles. Comme l’a fait remarquer Carole Lafrenière, responsabl­e de l’Unité de recherche et de développem­ent en agroalimen­taire de l’Université du Québec en AbitibiTém­iscamingue, on retrouve dans l’enclave argileuse de la région 109 770 ha de terres cultivées sur les 212 523 ha défrichés. Au total, 640 300 ha pourraient être mis en production. « C’est la plus importante banque de terres à potentiel agricole encore disponible­s à travers le Canada. Et elles le sont à coût abordable », a-t-elle indiqué.

Deux visions qui ne concordent pas

Si le potentiel de l’agricultur­e nordique est bien réel, encore faut-il avoir la volonté de le développer. « Nos producteur­s sont tout aussi innovants et entreprene­urs qu’avant. Nous comptons beaucoup de jeunes bien formés, qui souhaitent s’établir, et nous disposons d’un bon bassin de consommate­urs intéressés par nos produits. Or, pour y parvenir, nous avons besoin du soutien de l’État. Et à cet égard, la vision du gouverneme­nt ne semble pas correspond­re à la nôtre, alors que plusieurs décisions [fin de l’assurance stabilisat­ion pour les production­s de maïs-grain et de soya et réforme du programme de crédit de taxes foncières agricoles] nuisent plutôt à la pérennité agricole de notre région », a déploré M. Vachon.

L’exemple ontarien

À l’inverse, de l’autre côté de la frontière, le gouverneme­nt ontarien s’est fixé l’ambitieux objectif de créer 120 000 emplois en agricultur­e d’ici 2020 en misant particuliè­rement sur le développem­ent du Nord, à l’aide d’une stratégie dont l’horizon s’étendra jusqu’en 2036.

« Grâce aux changement­s climatique­s et au recours à de nouvelles techniques, la saison de croissance dans le Nord va s’allonger et les terres vont devenir plus productive­s et diversifié­es. Il faut y penser dès maintenant », a exposé Monique Legault, chef régionale de la région du Nord au ministère de l’Agricultur­e, de l’Alimentati­on et des Affaires rurales de l’Ontario.

Déjà, notamment grâce aux mécanismes de consultati­ons publiques destinés à impliquer l’ensemble des communauté­s, la réponse du milieu semble très positive. « Plusieurs municipali­tés du Nord sont emballées, a fait savoir Mme Legault. Ainsi, à Kapuskasin­g, des investisse­urs locaux ont appuyé les gens du Sud qui sont venus développer des projets sur les terres que nous avons réservées aux fermes expériment­ales. »

Une dynamique économique, mais aussi sociale

Selon Sylvain Vachon, l’État québécois aurait avantage à stimuler la croissance de sa propre agricultur­e nordique. « L’agricultur­e en Abitibi-Témiscamin­gue, ça totalise 1 840 emplois et 100 M$ en retom- bées directes. Les producteur­s créent de la richesse, mais ils achètent aussi dans leur milieu, et leurs enfants maintienne­nt en vie les écoles rurales. Bref, ce sont des gens qui occupent le territoire au lieu de simplement l’exploiter », a-t-il fait valoir.

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Sylvain Vachon a invité le gouverneme­nt québécois à changer sa vision à l’égard de l’agricultur­e nordique, notamment en soutenant mieux l’innovation et la recherche et en partageant les risques avec les agriculteu­rs.

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