L’avenir de l’agriculture nordique
ROUYN-NORANDA — L’agriculture pratiquée dans des conditions nordiques a-t-elle réellement un avenir au Québec? C’est le thème sur lequel les quelque 50 délégués présents à la 48e assemblée générale annuelle de la Fédération de l’UPA d’AbitibiTémiscamingue ont été invités à réfléchir.
Au début des années 2000, les productions bovine, ovine et céréalière étaient en pleine croissance dans la région. Quinze ans plus tard, par manque de soutien, les activités ont périclité. « De 2009 à 2015, nous avons perdu 21 % de nos fermes. C’est la baisse la plus importante de tout le Québec », a signalé le président Sylvain Vachon.
Les perspectives de croissance sont pourtant bien réelles. Comme l’a fait remarquer Carole Lafrenière, responsable de l’Unité de recherche et de développement en agroalimentaire de l’Université du Québec en AbitibiTémiscamingue, on retrouve dans l’enclave argileuse de la région 109 770 ha de terres cultivées sur les 212 523 ha défrichés. Au total, 640 300 ha pourraient être mis en production. « C’est la plus importante banque de terres à potentiel agricole encore disponibles à travers le Canada. Et elles le sont à coût abordable », a-t-elle indiqué.
Deux visions qui ne concordent pas
Si le potentiel de l’agriculture nordique est bien réel, encore faut-il avoir la volonté de le développer. « Nos producteurs sont tout aussi innovants et entrepreneurs qu’avant. Nous comptons beaucoup de jeunes bien formés, qui souhaitent s’établir, et nous disposons d’un bon bassin de consommateurs intéressés par nos produits. Or, pour y parvenir, nous avons besoin du soutien de l’État. Et à cet égard, la vision du gouvernement ne semble pas correspondre à la nôtre, alors que plusieurs décisions [fin de l’assurance stabilisation pour les productions de maïs-grain et de soya et réforme du programme de crédit de taxes foncières agricoles] nuisent plutôt à la pérennité agricole de notre région », a déploré M. Vachon.
L’exemple ontarien
À l’inverse, de l’autre côté de la frontière, le gouvernement ontarien s’est fixé l’ambitieux objectif de créer 120 000 emplois en agriculture d’ici 2020 en misant particulièrement sur le développement du Nord, à l’aide d’une stratégie dont l’horizon s’étendra jusqu’en 2036.
« Grâce aux changements climatiques et au recours à de nouvelles techniques, la saison de croissance dans le Nord va s’allonger et les terres vont devenir plus productives et diversifiées. Il faut y penser dès maintenant », a exposé Monique Legault, chef régionale de la région du Nord au ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Affaires rurales de l’Ontario.
Déjà, notamment grâce aux mécanismes de consultations publiques destinés à impliquer l’ensemble des communautés, la réponse du milieu semble très positive. « Plusieurs municipalités du Nord sont emballées, a fait savoir Mme Legault. Ainsi, à Kapuskasing, des investisseurs locaux ont appuyé les gens du Sud qui sont venus développer des projets sur les terres que nous avons réservées aux fermes expérimentales. »
Une dynamique économique, mais aussi sociale
Selon Sylvain Vachon, l’État québécois aurait avantage à stimuler la croissance de sa propre agriculture nordique. « L’agriculture en Abitibi-Témiscamingue, ça totalise 1 840 emplois et 100 M$ en retom- bées directes. Les producteurs créent de la richesse, mais ils achètent aussi dans leur milieu, et leurs enfants maintiennent en vie les écoles rurales. Bref, ce sont des gens qui occupent le territoire au lieu de simplement l’exploiter », a-t-il fait valoir.