« Il n’y a pas d’avantage à obtenir une appellation »
Des groupes de producteurs ayant obtenu une appellation sont en furie contre le gouvernement québécois, qui ne soutient pas leurs projets. Ils le critiquent sévèrement, l’accusant de leur faire perdre du temps et de l’argent.
« Après toutes ces années d’efforts pour l’obtenir, il n’y a pas d’avantage à avoir une appellation », constate Mario Duchesne, le coordonnateur du projet Fromage de vache de race Canadienne, une appellation reconnue depuis l’an dernier. Il explique que le programme gouvernemental qui devait leur permettre d’obtenir des subventions pour leur appellation ne fonctionne pas. « On a mis des fonds privés et les contribuables ont aussi mis de l’argent. Nous avons monté les dossiers selon les exigences des fonctionnaires, mais nous sommes toujours en attente, notamment pour le programme d’appui à la commercialisation. En étirant la sauce, le gouvernement épuise les gens. On n’est pas gros et on sent qu’on n’est pas importants. On aurait peut-être dû investir notre temps ailleurs », se désole M. Duchesne.
Les Cidriculteurs artisans du Québec pestent également contre l’inefficacité de l’appareil gouvernemental. Leur président, Michel Jodoin, a posé à de multiples reprises des questions sur l’état de leur dossier d’appellation au ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ), qui l’a transféré au ministère des Finances, et vice versa... « Une vraie perte de temps », a-t-il résumé à la Terre. L’homme d’affaires a d’ailleurs envoyé une lettre d’insatisfaction au MAPAQ dans laquelle il conteste le sérieux du ministère dans le dossier des appellations. Il a ajouté que ce manque d’appui crée de l’incertitude chez les cidriculteurs quant à l’avenir même de leur appellation Cidre de glace du Québec. La situation hypothèque même le recrutement. Pour 2017, il n’y a que 8 entreprises inscrites pour la certification sur environ 75.
292 034 $ sur la glace
Un document affiché dans un coin obscur du site Internet du MAPAQ confirme que plusieurs groupes ayant effectué une demande de subvention au Programme d’appui au développement des appellations réservées sont sans nouvelles depuis un an. Une dizaine de ces projets, toujours « en analyse », attendent des subventions totalisant 292 034 $. S’ils sont un jour débloqués, ces fonds appuieront des investissements totaux de 402 392 $ dans des projets associés aux appellations.
L’Association des vignerons du Québec fait partie de ces groupes en attente. Déçu, son président Yvan Quirion fonde cependant de grands espoirs sur le changement de ministre à l’Agriculture. « Ce n’est pas compliqué, les gens au cabinet [de l’ancien ministre Paradis] ne veulent pas d’appellation. Nous n’avons reçu aucune réponse de qui que ce soit pour nos requêtes. Laurent Lessard nous a déjà conseillés pour notre projet d’appellation lorsqu’il était ministre. Peut-être fera-t-il bouger les choses? » espère le vigneron.
Ce dernier refuse toutefois de rejeter entièrement la faute sur l’État concernant la lenteur de l’évolution des appellations. « Il ne faut pas s’attendre à ce que le gouvernement fasse tout et paye pour tout. Comme producteurs, nous devons injecter des fonds dans le développement des appellations. C’est l’outil par excellence pour positionner notre terroir et notre savoir-faire. Il faut prendre des initiatives et investir. Ensuite, le gouvernement verra notre sérieux et injectera des fonds », croit M. Quirion.