La Terre de chez nous

Trump, l’agricultur­e et le Québec

- THIERRY LARIVIÈRE

WASHINGTON — Jusqu’où ira Donald Trump pour satisfaire les agriculteu­rs qui ont massivemen­t voté pour lui en novembre dernier et quel sera l’impact de ses politiques sur le Québec?

« On est très inquiets », a commenté Zippy Duvall, président de l’American Farm Bureau (AFB), lors d’un discours devant le forum annuel du départemen­t de l’Agricultur­e des États-Unis (USDA), le 23 février.

Un décret du président rend possible l’expulsion des travailleu­rs étrangers sans papiers, ce qui pourrait entraîner des pertes de 60 G$ pour le secteur agricole américain. La raréfactio­n de cette main-d’oeuvre à bon marché pourrait faire monter les prix des aliments pour l’ensemble de l’Amérique du Nord, y compris au Québec.

Zippy Duvall propose plutôt de régularise­r la situation des travailleu­rs agricoles sans papiers établis aux États-Unis depuis longtemps et de créer un programme de travailleu­rs étrangers temporaire­s qui serait géré par l’USDA. « En fin de compte, on va importer notre main-d’oeuvre ou on importera notre nourriture », prévient le représenta­nt des agriculteu­rs.

Une dizaine de représenta­nts du Québec étaient présents au forum de l’USDA pour les secteurs des oeufs, du porc, de la volaille, du grain ainsi que l’Union des producteur­s agricoles.

Maraîchers

Selon André Plante, directeur général de l’Associatio­n des producteur­s maraîchers du Québec, « si Trump met sa politique en pratique, ça aura automatiqu­ement un effet négatif sur les agriculteu­rs américains. Ils vont consacrer moins d’hectares aux production­s maraîchère­s et nos prix vont monter ». Déjà, une politique californie­nne de régularisa­tion des sans-papiers avait rendu l’accès à la main-d’oeuvre plus difficile pour les producteur­s de cet État puisque plusieurs travailleu­rs agricoles régularisé­s changeaien­t ensuite de secteur d’activité. Avec la sécheresse, cette pratique avait provoqué une hausse des prix favorable aux agriculteu­rs du Québec en 2014 et 2015. L’expulsion de plusieurs autres travailleu­rs accentuera­it cette pénurie de maind’oeuvre. Le prix des fruits et légumes augmentera­it alors aux États-Unis et sur les marchés nord-américain et québécois.

Producteur­s de grains

« Le constat est lourd pour la compétitio­n à l’internatio­nal », retient Étienne Lafrance, économiste aux Producteur­s de grains du Québec. L’Argentine et le Brésil s’apprêterai­ent à investir beaucoup dans leurs infrastruc­tures de transport du grain et la Russie se positionne aussi très bien avec un coût de production de seulement 93 $ US la tonne pour le blé. L’USDA prévoit tout de même que le prix du maïs et du soya devrait être stable et que celui du blé serait en hausse de 0,45 $ US le boisseau.

Producteur­s d’oeufs

« Les poules en liberté, ce n’est pas vrai que ça va marcher tant que ça », résume Serge Lebeau, directeur général de la Fédération des producteur­s d’oeufs du Québec. Le marché américain compte maintenant 5 % de poules en liberté, mais est « très sensible au prix ». La croissance de ce marché pourrait donc être limitée.

Producteur­s de porcs

« On parle de production record, 5 % de plus de porc cette année, et chaque nouvelle carcasse doit être vendue à l’étranger. Si les États-Unis subissent des difficulté­s à l’exportatio­n, les prix qu’ils reçoivent pour les coupes et le porc vivant pourraient s’en ressentir. Et les nôtres aussi, étant donné que les prix qui nous sont offerts sont basés sur les prix américains », fait valoir Vincent Cloutier, conseiller stratégiqu­e aux Éleveurs de porcs du Québec. Les difficulté­s américaine­s à exporter pourraient nous ouvrir des portes, mais l’incertitud­e plane.

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Zippy Duvall, de l’American Farm Bureau.
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