« De plus en plus d’entreprises se font avoir »
– LOUIS-SAMUEL JACQUES
QUÉBEC — Le milieu agricole et agroalimentaire n’est pas à l’abri de la fraude. « Les criminels sont très créatifs. On se rend compte que de plus en plus d’entreprises se font avoir, spécialement en ce qui concerne les produits qui passent entre plusieurs mains et les aliments à valeur ajoutée, comme ceux sous appellation et les produits locaux », indique Louis-Samuel Jacques, viceprésident adjoint aux services-conseils BDO Canada.
« Il y a des compagnies situées dans d’autres pays qui importent du sirop d’érable produit au Québec, qui le diluent et le revendent à gros prix comme étant un produit canadien. Ce n’est rien de bon pour les producteurs d’ici », fait remarquer Marc Hamilton, président du Groupe Environex, un important laboratoire d’analyses québécois.
Fraudeur et fraudé
Le Symposium sur la fraude alimentaire a été présenté à Québec les 4 et 5 avril derniers. Plusieurs conférenciers ont alors répété qu’il fallait s’attaquer collectivement à ce type de supercherie, d’une part parce que près de 40 % des consommateurs québécois considèrent que le risque de fraude alimentaire est élevé ou très élevé, et d’autre part parce que les conséquences financières de ce fléau peuvent être très importantes pour les entreprises.
« Frauder ou se faire frauder, ça peut représenter des pertes de 2 % du chiffre d’affaires, mais ça peut aussi aller jusqu’à causer la fermeture de l’entreprise », précise Louis-Samuel Jacques. Les amendes, la perte de clients importants et de sa réputation, et les frais pour se défendre ou pour redorer son image peuvent faire grimper rapidement la facture. Même un éleveur de bovins qui se fait prendre à vendre dans son kiosque à la ferme du boeuf haché qui, en vérité, contient du porc, devra en payer le prix.
Les conséquences peuvent aussi être considérables pour l’entreprise qui se fait frauder. « L’agriculteur est un maillon de la chaîne de production. Si des tests révèlent par exemple qu’il a utilisé un pesticide non autorisé, vendu par son fournisseur, il pourrait être éclaboussé même s’il n’était pas forcément au courant. Pour minimiser les risques, les producteurs doivent notamment vérifier auprès de leurs fournisseurs la composition de leurs intrants et de la nourriture destinée à leur bétail », conseille Éric Marin, coordonnateur du Food Fraud Network à la Commission européenne.
De plus, M. Marin mentionne que la fraude alimentaire dépasse les frontières et met en cause différents acteurs. Il cite l’implication du crime organisé en Europe où la mafia a été ciblée comme étant à la base d’un réseau de lait en poudre contrefait, qui utilise l’image de marques européennes.