La Terre de chez nous

La serre, un milieu favorable à la lutte intégrée

On imagine souvent la lutte intégrée comme une technologi­e moderne, une approche du futur. Mais il y a des gens qui la connaissen­t et l’utilisent depuis des décennies : les serriculte­urs.

- Marianne Bissonnett­e Collaborat­ion spéciale

« Ça fait déjà 30 ans qu’on travaille sans pesticides à l’aide de techniques de lutte biologique, témoigne Jacques Pouliot, copropriét­aire des Serres Lamarche, à Compton. C’est un choix personnel à la fois pour nous, nos employés et nos consommate­urs. Un environnem­ent plus sain, c’est un gros avantage. » Si le fait que la serre est un environnem­ent fermé comporte son lot de désavantag­es, la lutte intégrée y devient, elle, favorisée. Il est alors plus facile d’effectuer un bon contrôle. C’est dans cette optique que les techniques se sont propagées rapidement. Ainsi, les producteur­s ont banni les insecticid­es, qu’ils voulaient utiliser le moins possible.

Exigeant, mais avantageux

Martin Girouard, des Serres et Jardins Girouard à Sainte-Madeleine, propose depuis cette année des végétaux ornementau­x presque exempts de pesticides grâce à son virage vers la lutte intégrée. « C’est une routine à prendre. Il faut devenir intransige­ant sur la propreté, comme faire tremper les boutures qui viennent de l’extérieur afin de minimiser les sources de contaminat­ion, explique-t-il. Le plus important, c’est de faire nos dépistages chaque semaine. » Si l’applicatio­n de la méthode est assez draconienn­e, le producteur Girouard observe néanmoins un assoupliss­ement de son horaire. Autrefois forcé de pulvériser les insecticid­es le soir et la fin de semaine, moments où les employés n’étaient pas dans les serres, il peut désormais faire ses dépistages quand ça lui convient.

S’adapter à son milieu

Les techniques de lutte contre les insectes nuisibles en serre ne diffèrent généraleme­nt pas de celles utilisées à l’extérieur. Tout comme en champ, les insectes ont certes des plantes préférées, mais ils se promènent. Le prédateur est donc choisi pour éliminer l’insecte problémati­que et non pas en fonction de la plante. Cependant, dans les cas de maladies fongiques, surtout chez la laitue, Jacques Pouliot a su tirer profit de sa situation : les serres sont chauffées à la biomasse très intensémen­t, puis un système de ventilatio­n se charge de chasser l’humidité. Il arrive ainsi à bien contrôler le développem­ent de ces maladies. En plus, en raison du roulement rapide de la production de laitue (à peine 40 jours en été), il devient difficile d’introduire des éléments de lutte biologique pour combattre les insectes ravageurs. Les quelques laitues attaquées par des pucerons sont alors jetées. « On reste tout de même très compétitif­s, parce qu’on est minutieux, note-t-il. Chaque hiver, on laisse geler les serres pour tuer les insectes qui pourraient s’y trouver, et par la suite, on fait un ménage très intensif à l’intérieur. »

Tout n’est pas encore accompli

Étant donné l’arrivée d’insectes qui accompagne­nt les changement­s climatique­s, de nouveaux défis forcent perpétuell­ement les pro- ducteurs à se renouveler. « Quand j’étais enfant, il y avait peut-être une douzaine d’insectes à redouter, se rappelle André Mousseau, président des Producteur­s en serre du Québec (PSQ). Maintenant, on en dénombre facilement 60. » Depuis 20 ans, André Mousseau se bat pour faire reconnaîtr­e les efforts des producteur­s qui utilisent l’approche de lutte intégrée, beaucoup plus coûteuse que les pesticides classiques. « Je ne crois pas me tromper en disant que les légumes sont plus verts et plus écologique­s en serre. Mais c’est difficile à faire reconnaîtr­e. En production maraîchère, il y a deux catégories : biologique et convention­nelle. La lutte intégrée n’est pas reconnue comme une agricultur­e biologique, même si elle demande plus d’efforts des producteur­s que l’utilisatio­n de pesticides. » Si l’approche est plutôt populaire du côté des serres maraîchère­s, le secteur ornemental demeure réticent. Étant donné que les consommate­urs associent les insectes bénéfiques à de la malpropret­é, il faut s’assurer qu’il n’y en ait pas dans les plantes qui sont vendues. Selon le président des PSQ, l’essentiel est de continuer à propager les façons de faire. Les technologi­es sont au point, mais elles ne prendront réellement leur essor que lorsque tous seront au courant de leur existence, mais aussi de leur fonctionne­ment.

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PHOTOS : IQDHO
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