La Terre de chez nous

Il y a 20 ans, la crise du verglas

90 mm de verglas sont tombés dans certains secteurs du « triangle noir »

- pybegin@ laterre.ca @PierreYvon­Bgin PIERRE-YVON BÉGIN

Le 10 janvier 1998, après cinq jours de verglas, le cauchemar commençait pour 12 000 agriculteu­rs de la Montérégie privés de courant. Mais un réseau unique d’entraide allait permettre de limiter les pertes.

« Il y a du monde qui s’est démené pas à peu près. » – Laurent Pellerin

Il y a 20 ans cette semaine, le sud du Québec était plongé dans le noir le plus total à la suite de l’une des pires tempêtes de verglas de son histoire. Habitués du système D, les agriculteu­rs ont improvisé un vaste réseau de distributi­on de génératric­es et de bois de chauffage qui a permis de limiter les pertes dans les fermes. Dans les érablières, jusqu’à 90 mm de glace ont provoqué un véritable cataclysme dont, vingt ans plus tard, on ne relève aucune trace. La Terre a retrouvé des acteurs qui ont joué un rôle déterminan­t en 1998. En ce début d’année, voici leur histoire.

Quand le verglas s’est abattu sur le Québec, en janvier 1998, Laurent Pellerin rentrait de la vallée de la Matapédia. En cette journée du « vendredi noir », le président de l’Union des producteur­s agricoles (UPA) de l’époque a retrouvé sa ferme de SaintGrégo­ire, près de Bécancour, plongée dans le noir.

« Les génératric­es se sont mises à péter durant la fin de semaine », se souvientil, en raison de leur faible autonomie. Les livraisons de carburant avaient cessé, les camions-citernes ne pouvant emprunter le pont-tunnel LouisHippo­lyte-Lafontaine. La priorité, rappelle-t-il, était donnée aux services d’urgence et aux hôpitaux. Une rencontre avec le premier ministre Lucien Bouchard et le directeur d’HydroQuébe­c, André Caillé, a vite permis de faire inclure les production­s agricoles sur la liste des priorités.

Le président de l’UPA se souviendra toujours de la solidarité et de l’élan de générosité des gens envers les agriculteu­rs. Il ne pouvait s’imaginer « l’immensité » de l’entraide déployée, soit par le prêt de génératric­es ou la livraison de bois de chauffage.

« Il y a du monde qui s’est démené pas à peu près », apprécie-t-il encore aujourd’hui, qualifiant cette opération de « méchant tour de force ».

Centre d’urgence

Les agriculteu­rs n'ont d'ailleurs pu compter que sur eux-mêmes pour se procurer des génératric­es au cours des deux premières semaines.

Dès le lundi 12 janvier, l’UPA mettait sur pied un « centre d’urgence » afin de coordonner les prêts de génératric­es par le biais de sept centres de distributi­on. Pour bien mesurer le rôle clé de l’électricit­é dans une ferme, notons que des élevages entiers de porcs ou de poulets peuvent être décimés en l’espace de deux heures à peine au cours d’une panne de courant.

Au total, un millier de génératric­es fournies par des producteur­s à l’échelle de la province, notamment du Lac-Saint-Jean et des Maritimes, et par des entreprise­s comme Labatt, ont été mises à contributi­on. Bon nombre d’entre elles ont même servi dans trois fermes différente­s au cours de la crise.

« Dès le mardi matin [13 janvier], les génératric­es commençaie­nt à entrer », témoigne avec fierté André Drapeau, qui dirigeait le centre. Il se souvient que des génératric­es provenaien­t même des États-Unis. Des employés d’Hydro-Québec allaient les livrer chez les producteur­s. André Drapeau est également intervenu en faveur d’une compagnie de jus qui s’était fait bloquer une génératric­e à la frontière.

La générosité des agriculteu­rs a aussi pris la forme d’une vaste corvée de bois de chauffage. Les producteur­s forestiers – par l’entremise de leur fédération –, l’Union des municipali­tés du Québec et la Sécurité civile ont fourni pas moins de 50 000 cordes. « Une grande confusion » a cependant marqué cette distributi­on, la responsabi­lité entre municipali­tés et Sécurité civile n’ayant pas été bien précisée.

Les leçons tirées du verglas de 1998 pourraient-elles servir de nos jours? « Peut-être pas », pense Laurent Pellerin, les catastroph­es naturelles étant « imprévisib­les ». L’initiative personnell­e et la débrouilla­rdise, songe-t-il, seront toujours de mise.

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