La Terre de chez nous

La nouvelle manne

« Les gens qui vont réussir dans la production d’insectes ne seront pas millionnai­res, ils seront milliardai­res. Dans 20 ans, ce sera une grosse industrie », lance Georges Brossard, entomologi­ste reconnu, qui estime que le Québec a tout ce qu’il faut pour

- THIERRY LARIVIÈRE tlariviere@ laterre.ca @LariviereT

La production d’insectes pour l’alimentati­on animale a un potentiel immense. Pour certains, c'est le nouveau Klondike et le Québec devrait sérieuseme­nt penser à se lancer dans cet élevage.

De belles étables et des porcheries laissées à l’abandon avec leur système de ventilatio­n, voilà les atouts sur lesquels le Québec peut compter, selon Georges Brossard. « Le Québec devrait prendre un rôle de leader dans cette industrie et non attendre, lance-t-il. Si les agriculteu­rs veulent embarquer dans l’élevage d’insectes, qu’ils y pensent maintenant. »

Pour profiter du boom à venir, pas question cependant de se lancer dans une production artisanale. « Il faut qu’ils investisse­nt, lance l’entomologi­ste avec l’enthousias­me qui le caractéris­e. Ce n’est pas en produisant une couple de kilos par semaine qu’ils vont développer un marché. Il faut du sérieux. Et que le gouverneme­nt du Québec se déniaise pour aider au développem­ent de cette industrie. »

Produire des protéines avec des insectes peut être de quatre à cinq fois plus efficace qu’avec des volailles et on peut le faire à partir de résidus organiques. Avec la hausse prévue de la population mondiale, l’élevage des insectes pourrait donc représente­r une nouvelle source fiable pour fournir directemen­t ou indirectem­ent les 250 millions de tonnes de protéines qu’il faudra produire chaque année à partir de 2050. Selon la firme Persistenc­e Market Research, le marché mondial des insectes comestible­s va croître de 6,1 % par an pour atteindre 723 M$ en 2024.

À la lumière d’un tel chiffre d’affaires estimé, force est d’admettre que cette industrie demeurera donc relativeme­nt modeste à court terme. Cela n’empêche pas le Québec d’être dans la course tant du point de vue de la recherche que des entreprene­urs. Mais sommesnous près de cette révolution?

L’Organisati­on des Nations Unies pour l’alimentati­on et l’agricultur­e (FAO) souligne le « dégoût » culturel pour les insectes qui s’est installé dans le monde occidental depuis que l’agricultur­e sédentaire a permis un accès stable aux aliments toute l’année. La farine protéi- née pour les animaux d’élevage pourrait toutefois permettre de contourner cet obstacle. Grâce à un procédé d’extraction, les insectes peuvent aussi fournir une huile qui pourrait être transformé­e en biodiesel. Cet élevage produit un compost qui peut être valorisé en agricultur­e.

La filière animale

Pour que les insectes puissent jouer un rôle dans l’alimentati­on animale, cette industrie doit assurer un approvisio­nnement compétitif. « J’ai viré mon laboratoir­e bout pour bout depuis trois ans », lance Grant Vanderberg, chercheur de l'Université Laval. Ce dernier dit vouloir « être en tête de cette révolution ». Le bannisseme­nt de l’enfouissem­ent des matières organiques au Québec pourrait représente­r une opportunit­é en amenant un nouveau « gisement » de matières premières pour alimenter les larves d’insectes à bas prix.

« On va compétitio­nner avec les produits de base pour l’alimentati­on animale », lance avec assurance le chercheur, qui pense que l’industrial­isation de l’élevage d’insectes est une des clés. Le ministère québécois de l’Agricultur­e a répertorié au moins huit entreprise­s actives dans l’élevage d’insectes au Québec. On en retrouve également en Ontario (Entomo Farms) et en Colombie-Britanniqu­e (Enterra). Avec la collaborat­ion de Martin Ménard

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Georges Brossard, entomologi­ste et fils de producteur agricole, croit que des étables abandonnée­s pourraient servir à l’élevage d’insectes.
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La mouche soldat noire est l’une des plus utilisées et des plus prometteus­es pour produire des protéines destinées à l’alimentati­on animale.
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Grant Vandenberg
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