La Terre de chez nous

Les demandes américaine­s décimeraie­nt le secteur avicole

- THIERRY LARIVIÈRE tlariviere@laterre.ca

MONTRÉAL — À la veille de la reprise de la renégociat­ion de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) à Montréal, une nouvelle étude rapporte que la fin de la gestion de l’offre dans le secteur avicole (poulets, oeufs, dindons) ferait perdre jusqu’à 80 000 emplois au Canada.

« Ça serait un démantèlem­ent presque complet du secteur », a résumé le ministre de l’Agricultur­e, Laurent Lessard, en conférence de presse le 19 janvier au siège social de La Coop fédérée, à Montréal. Pour éviter cette hécatombe, le président de la Coop, Ghislain Gervais, a proposé une « exception agroalimen­taire » afin d’exclure la gestion de l’offre des négociatio­ns sur le modèle de l’exception culturelle.

L’analyse réalisée par la firme PwC pour le compte de La Coop fédérée, d’Exceldor, de Burnbrae et de Nutrigroup­e montre en effet que la fin de la gestion de l’offre, comme l’ont demandé les négociateu­rs américains, ferait totalement disparaîtr­e la production de dindes, diminuer celle des oeufs de 80 % à 90 % et réduirait l’élevage de poulets de 40 % à 70 %. Bref, tout un pan des secteurs sous gestion de l’offre serait emporté par les importatio­ns américaine­s qui fixeraient la nouvelle référence pour les prix. De 58 000 à 80 000 emplois seraient perdus, notamment en transforma­tion.

Prochaine ronde

Ces nouvelles données préparent le terrain en vue de la prochaine ronde de renégociat­ion de l’ALENA du 23 au 28 janvier 2018, à Montréal. Le négociateu­r en chef du Canada, Steve Verheul, a pris connaissan­ce de l’étude de PwC le 16 janvier.

« C’est une occasion de rappeler que la gestion de l’offre ne doit pas servir de monnaie d’échange », a résumé René Proulx, président-directeur général de la coopérativ­e Exceldor. Ce dernier était accompagné de Ghislain Gervais, de René Moreau, président d’Agropur, de Marcel Groleau, président de l’Union des producteur­s agricoles (UPA), et de Laurent Lessard.

Plusieurs élus représenta­nt les producteur­s sous gestion de l’offre étaient également présents au siège social de La Coop fédérée pour le dévoilemen­t de cette importante étude qui complète celle de 2015 commandée par Agropur et qui exposait l’impact de la fin de la gestion de l’offre sur le secteur laitier.

L’étude de 2015 concluait à une diminution du produit intérieur brut (PIB) de 2 à 3,5 G$. Elle indiquait également que de 4 500 à 6 000 fermes pourraient disparaîtr­e, tandis que jusqu’à 40 % de la transforma­tion laitière risquerait d’être confiée à d’autres pays, notamment les États-Unis et la Nouvelle-Zélande.

Dans un scénario où Trump obtient tout ce qu’il veut, il faudrait additionne­r ces chiffres de 2015 à ceux qui viennent d’être dévoilés pour avoir un portrait complet de tous les secteurs sous gestion de l’offre. On approchera­it donc les 10 G$ de PIB en moins au Canada.

Des arguments

« La fin de la gestion de l’offre, c’est comme si on demandait aux Américains d’abolir 50 % de leur Farm Bill », a illustré Marcel Groleau, qui qualifie d’« atypiques » les négociatio­ns en cours qui se font sous la menace de mettre fin à l’entente commercial­e depuis le début. Ce dernier estime que le refus ferme des offres américaine­s par le Canada et par le Mexique représente « la seule position pour arriver à une négociatio­n raisonnée ».

Pierre-Luc Leblanc, président des Éleveurs de volailles du Québec, indique que les travailleu­rs du secteur de la volaille aux États-Unis gagnent environ 8 $ l’heure, soit beaucoup moins qu’ici.

René Moreau, d’Exceldor, a affirmé à La Terre que le transforma­teur de dindes américain Butterball en Caroline du Nord produit à lui seul deux fois plus que l’ensemble du Canada. Les salaires du transforma­teur seraient d’environ 12 $ l’heure.

L’étude de PwC affirme qu’il faut s’attendre à des « changement­s négligeabl­es des prix à la consommati­on » en cas de hausse des contingent­s d’importatio­n et à une « baisse relativeme­nt modeste des prix » en cas de démantèlem­ent de la gestion de l’offre.

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 ??  ?? René Moreau, d’Agropur, René Proulx, d’Exceldor, Ghislain Gervais, de La Coop fédérée, et Marcel Groleau, de l’UPA.
René Moreau, d’Agropur, René Proulx, d’Exceldor, Ghislain Gervais, de La Coop fédérée, et Marcel Groleau, de l’UPA.

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