La Terre de chez nous

Des trafiquant­s libres comme l’air

- THIERRY LARIVIÈRE tlariviere@ laterre.ca Des agriculteu­rs craignent le déversemen­t de sols contaminés sur des terres qui, bien qu’elles n’appartienn­ent pas à des producteur­s, pourraient être louées à des fins agricoles.

Il n’y aura pas d’accusation­s dans l’enquête de la Sûreté du Québec (SQ) sur les sols contaminés déversés sur des terres agricoles. Les présumés fautifs sont libres comme l’air.

Le Directeur des poursuites criminelle­s et pénales (DPCP) juge que les preuves sont insuffisan­tes pour accuser un des suspects identifiés dans l’enquête Naphtalène. « L’échantillo­nnage effectué dans le dossier ne permet pas à l’expert de conclure du niveau de contaminat­ion des terrains et de la présence même de contaminan­ts dans les sols », indique Jean Pascal Boucher, porteparol­e du DPCP. Ce dernier souligne que deux constats d’infraction ont été remis en fonction du Règlement sur le stockage et les centres de transfert de sols contaminés.

Rappelons que l’enquête de la SQ laissait entrevoir que plusieurs chargement­s de sols contaminés avec des métaux lourds ou des hydrocarbu­res auraient servi de remblais dans au moins deux fermes, et probableme­nt dans plusieurs autres. Selon La Presse, plus de 80 sites sont en jeu, principale­ment en milieu agricole. Un ancien Hells Angel serait la tête dirigeante du réseau ciblé. Des analyses de sols falsifiées et des faux bons de pesée auraient été utilisés par les malfaiteur­s.

L’UPA outrée

« Je m’explique mal qu’il n’y ait pas un meilleur suivi et une meilleure traçabilit­é des sols contaminés », commente Marcel Groleau, président de l’Union des producteur­s agricoles (UPA). Ce dernier se dit « étonné » et « fâché » d’apprendre que des sols contaminés se retrouvent sans conséquenc­es dans des fermes, alors que les producteur­s agricoles sont souvent surveillés de près sur des questions qui représente­nt un risque moins élevé pour l’environnem­ent.

« Il faudrait des amendes extrêmemen­t importante­s, en proportion des gains potentiels pour les fraudeurs », lance Marcel Groleau, qui plaide aussi pour qu’on étende la responsabi­lité du suivi des sols contaminés à toute la filière, y compris aux entreprene­urs qui se débarrasse­nt des sols contaminés dès le départ sur les chantiers. Le président de l’UPA invite ceux dont les terres ont été contaminée­s à se manifester auprès de leur syndicat local afin d’évaluer leur cas et de voir si le fonds de défense profession­nelle pourrait soutenir une poursuite au civil pour dommages. Ces éventuels cas pourraient servir d’exemples et de jurisprude­nce. Le président de l’UPA demande aux producteur­s d’être « extrêmemen­t prudents » avec tous les matériaux de remblais.

La ministre ne lâche pas le morceau

Le ministère de l’Environnem­ent mène sa propre enquête au niveau pénal et les résultats de celle-ci ont été soumis au DPCP. Une poursuite au civil pourrait suivre. La ministre Isabelle Melançon avait déjà évoqué la possibilit­é d’étendre le récent projet pilote de traçabilit­é des sols contaminés (Traces Québec) à tout le territoire du Québec.

La SQ demeure vigilante

La SQ n’a pas voulu commenter la décision du DPCP, mais a assuré à La Terre qu’elle continuait de surveiller l’écoulement des sols contaminés. « J’invite les gens à contacter la SQ s’ils sont témoins de ce type de fraude », a déclaré Hugo Fournier, porte-parole. Rappelons que la SQ conseille aux agriculteu­rs de ne jamais se fier à des analyses de terre qu’ils n’ont pas eux-mêmes effectuées.

Le président de l’UPA craint que des entreprene­urs peu scrupuleux achètent des terres pour y déverser des sols contaminés.

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada