La Terre de chez nous

Des Américains réclament une gestion de l’offre

Le plus grand bassin laitier des États-Unis traverse une crise historique qui sème le désespoir. Abattus par des surplus de lait et des prix anémiques, certains producteur­s envient les Canadiens et leur gestion de l’offre.

- Notre journalist­e au Wisconsin

Le Wisconsin, connu comme le Dairyland de l’Amérique, vit une crise laitière sans précédent. Surplus de lait, prix médiocres, pertes de contrats d’approvisio­nnement ... de plus en plus d’éleveurs laitiers se voient forcés de quitter la production. Plusieurs lorgnent du côté du Canada et de sa gestion de l’offre en quête d’un eldorado pour leur lait. D’autres souhaitent s’en inspirer afin de mieux réguler leur production. La Terre s’est rendue sur place pour les rencontrer.

MADISON — Le plus grand bassin laitier des États-Unis, le Wisconsin, doit négocier avec une surproduct­ion historique et des prix anémiques. Un cycle infernal qui ne semble pas vouloir s’arrêter.

« Quand les prix sont bas, les agriculteu­rs tendent à augmenter leur production afin que les volumes compensent les pertes. Et lorsque les prix sont élevés, ils produisent davantage pour profiter d’excellents revenus. C’est un cercle vicieux », critique Jim Goodman, producteur de lait bio et président de la National Family Farm Coalition. Cette dernière chapeaute 26 groupes de pression à l’échelle du pays.

À l’heure actuelle, le prix aux ÉtatsUnis tourne autour de 16 $ US/100 lb (45 $ CA/hectolitre). Ce prix peine à couvrir les coûts de production, estimés à 15,77 $ US/100 lb par la Wisconsin Farmers Union. Cette disette qui s’étire depuis maintenant trois ans est venue à bout des réserves de plusieurs agriculteu­rs.

En parallèle, les transforma­teurs nagent en plein surplus de lait. Certains refusent même de ramasser le lait de plusieurs fermes.

« Nous avons déjà eu des années de mauvais prix, mais que les usines refusent du lait, c’est du jamais vu. C’est historique », dénonce Bert Paris, de Belleville, au centre de l’État. En avril dernier, l’agriculteu­r a vu deux de ses voisins abandonner la production à une journée d’intervalle.

Les fermes qui sont laissées pour compte ne le sont souvent pas pour des raisons de qualité. « Les transporte­urs préfèrent desservir les grands élevages qui remplissen­t une citerne complète plutôt que de faire la run de lait entre – plusieurs petites entreprise­s », poursuit M. Paris. D’ailleurs, les grosses exploitati­ons bénéficien­t d’un rabais sur les frais de transport ainsi que d’une prime pour le volume.

« Nous avons déjà connu d’aussi mauvais prix, mais jamais une situation comme celle qui prévaut actuelleme­nt où les producteur­s reçoivent des lettres sur la prévention du suicide avec leur paye et des avis disant que demain, le camion de lait ne passera pas. C’est du jamais vu », se désole Joel Greeno, ex-producteur de lait dans l’ouest du Wisconsin. C’est dans cette région que la concentrat­ion de fermes laitières est la plus élevée de tout le pays. « C’est ici que le taux de faillites est le plus haut de tous les ÉtatsUnis », explique le coloré personnage. Les chiffres du départemen­t américain de l’Agricultur­e (USDA) révèlent que le Wisconsin a perdu 20 % de ses troupeaux laitiers depuis cinq ans. À l’opposé du nombre de fermes, les volumes de production n’ont cessé de grimper. Toutefois, la crise actuelle semble vouloir inverser cette tendance lourde. Pour le mois d’avril, la production laitière de l’État a diminué légèrement pour la première fois depuis 10 ans.

« Il y a beaucoup trop de lait dans le marché et notre dépendance aux exportatio­ns est trop importante. » Jim Goodman, producteur de lait bio et président de la National Family Farm Coalition

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« Ce sont les plus petites fermes qui écopent, car elles n’ont pas les mêmes économies d’échelle pour passer à travers un effondreme­nt des prix », déclare Jim Goodman.
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