La Terre de chez nous

Sortir de l’agricultur­e sans égratignur­e

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Vincent, un passionné des vaches depuis son enfance, s’est départi de son troupeau au cours de la dernière année. Il nous a fait part de ses réflexions.

« Des conférence­s sur l’établissem­ent, il y en a des tonnes, mais combien y en a-t-il qui expliquent comment sortir de l’agricultur­e ? Moi, je n’en ai jamais entendu. Et pourtant, il y a beaucoup plus d’agriculteu­rs qui partent qu’il y en a qui arrivent… Il est où, le besoin ? Ben moi, j’avais ben plus de questions en terminant qu’en commençant ! »

Vincent a quitté le métier d’éleveur. Il avait atteint l’objectif qu’il s’était fixé, soit d’élever des bêtes qui pouvaient performer au niveau national. Il compare sa situation à celle d’un athlète qui a atteint un sommet et qui ne peut ensuite que redescendr­e. Pour ce gars qui carbure aux défis et au dépassemen­t de soi, poursuivre sur son erre d’aller était inconcevab­le.

La vente de son patrimoine, Vincent l’a préparée aussi judicieuse­ment que son établissem­ent. Nullement reliée à la conjonctur­e de la production laitière, sa décision de quitter la production a été mûrement réfléchie. Il a consulté divers experts, dont son comptable, de façon à rentabilis­er au maximum les efforts, le temps et l’argent investis dans sa ferme au cours des 15 années où il a été propriétai­re.

De beaux défis attendent Vincent dans un poste de direction dans le para-agricole. La transition, déjà amorcée avant la vente de son troupeau, a été salutaire : « Moi, si je n’avais pas eu un emploi avant d’arrêter la production, si je n’avais pas su que je pouvais faire autre chose, je peux dire tout de suite que je ne sais pas quel aurait été mon état d’esprit. » Vincent a en tête les athlètes qui réussissen­t très mal leur retour à la vie normale après s’être entraînés sept jours sur sept pour atteindre leur objectif. « Combien d’entre eux font une dépression, tombent dans la drogue, dans toutes sortes d’affaires le jour où ils ne sont plus en compétitio­n ? » s’interroge-t-il.

Fin de la routine de producteur

Vincent s’est entouré de profession­nels pour bien préparer sa sortie, mais on ne met pas fin à une routine de producteur, à une discipline d’athlète, en criant ciseau. « Des fois, je me disais que je serais donc bien avec des fins de semaine comme les autres, sauf que le matin où ça arrivait, je ne savais même pas quoi en faire! Meubler une fin de semaine, je le sais que je vais finir par y arriver, mais meubler sept jours, je trouverais ça vraiment dur ! Un producteur qui a travaillé 7 jours sur 7 pendant 15 ans, 25 ans, 35 ans, ne peut pas arrêter comme ça du jour au lendemain. Ça doit se préparer... »

Sortir de l’agricultur­e, un domaine aussi prenant que passionnan­t, nécessite une préparatio­n particuliè­re. Le fait de réfléchir assez tôt dans le processus à nos intérêts, à nos autres passions, à nos talents et à nos habiletés peut nous aider à remplir ce trou dans notre vie. Prendre conscience de nos forces est déjà un pas dans la bonne direction.

Nous laissons le mot de la fin à Vincent : « Combien vont dire qu’ils ont juste tiré des vaches dans leur vie, se demandant ce qu’ils peuvent faire d’autre ? Ils devraient plus dire qu’ils ont été gestionnai­res, qu’ils ont fait de la résolution de problèmes, qu’ils ont constammen­t fait face aux enjeux du marché, qu’ils ont développé une résistance à la pression, qu’ils ont développé un esprit créatif leur permettant de faire des réparation­s à peu de frais, etc. ».

« Des fois, je me disais que je serais donc bien avec des fins de semaine comme les autres, sauf que le matin où ça arrivait, je ne savais même pas quoi en faire ! » Soumettez votre témoignage en toute confidenti­alité : acoeur@laterre.ca ou 1 877 679-7809 555, boulevard Roland-Therrien, bureau 100 Longueuil (Québec) J4H 3Y9

Pour une aide d’urgence :

1 866 APPELLE (277-3553).

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NANCY LANGEVIN, T.S. GINETTE LAFLEUR

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