La Terre de chez nous

« Je veux vivre »

- JOSIANNE DESJARDINS jdesjardin­s@laterre.ca @josianne.desjardins.98 Que pensez-vous des arguments avancés contre l’élevage des animaux? tcn@laterre.ca

Installés aux abords d’un abattoir, ces militants opposés à l’élevage provoquent un débat qui prend de plus en plus d’ampleur en France, mais aussi au Québec. Que veulent-ils et qu’en disent les producteur­s?

De plus en plus actifs sur la place publique, des militants végétalien­s élèvent leur voix au nom des animaux qui, selon eux, devraient jouir des mêmes droits que les humains. Comment ce message est-il reçu par les acteurs de l’industrie? Regard sur ce phénomène nouveau qui confronte les perception­s.

Les activistes du Mouvement de libération contre l’exploitati­on animale s’affichent contre le spécisme, un concept selon lequel l’espèce humaine serait supérieure aux espèces animales. D’après eux, il s’agit d’une attitude discrimina­toire au même titre que le racisme et le sexisme.

« Les animaux souffrent et ils ont droit à la vie. [Dans l’élevage industriel], ils sont des commodités. On est dans une logique de production et de diminution des coûts au maximum. Le bien-être animal n’est vraiment pas [une priorité] », avance le végétalien Jean-Christophe Pagé. Ce militant participai­t tout récemment à une vigile devant l’Abattoir Ducharme à SaintAlpho­nse-de-Granby, et près des installati­ons de F. Ménard à Ange-Gardien, en Montérégie.

Le Mouvement dit avoir orchestré une centaine de manifestat­ions pacifiques depuis cinq ans à travers le Québec. Les activistes ont comme seule arme leurs pancartes où il est inscrit « Arrêtez de tuer les animaux » ou « Laissez-moi vivre », accompagné­es de photos de porcelets ou encore de lapins.

En se présentant devant les abattoirs du Québec, ils n’ont qu’un seul objectif en tête : bannir autant le commerce de la viande que celui de la fourrure ou de la laine d’animaux.

Pression et réactions

« C’est impossible d’avoir une conversati­on avec eux [ces militants]. Car même si on leur montrait le meilleur traitement du monde, leur agenda, c’est d’abolir l’élevage », affirme sans détour Renée Bergeron, professeur­e agrégée au Départemen­t de bioscience­s animales à l’Université de Guelph.

La spécialist­e en production laitière et porcine reconnaît toutefois que certains groupes de défense des animaux au sein des équipes de travail de l’industrie ont un impact positif sur les pratiques de cette dernière. « On rassemble des intervenan­ts de tous les milieux et l’on arrive à un consensus », assure-t-elle. Cette approche est même souhaitabl­e selon les Éleveurs de porcs du Québec. « On est ouverts à la critique, on se remet toujours en question. C’est bon qu’il y ait des questionne­ments; ça fait partie de la production. Plusieurs groupes de pression viennent nous challenger », poursuit David Duval, président des Éleveurs de porcs.

À titre d’exemple, ce dernier mentionne que les Éleveurs se penchent actuelleme­nt sur la caudectomi­e (coupe de la queue), une pratique souvent dénoncée. S’il admet que ces groupes peuvent contribuer à l’améliorati­on des pratiques d’élevage, M. Duval est d’avis que la critique doit être « constructi­ve ». « D’un point de vue philosophi­que, on n’est pas capables de les rejoindre », reconnaît-il en faisant référence aux militants du mouvement antispécis­te.

Même son de cloche du côté du Syndicat des producteur­s de lapins du Québec, qui s’est doté d’un tout premier code de pratiques cette année. « Ces groupes-là nous poussent à nous améliorer », convient Maxime Tessier, vice-président du Syndicat.

Ce dernier souligne aussi toute l’importance des recherches sur la qualité de vie des lapins. « On les dorlote nos animaux, assure-t-il. Et la qualité de notre viande est exceptionn­elle. »

Déjà spécialisé dans les volailles, l’Abattoir Ducharme devrait bientôt ajouter les lapins à ses activités. En réponse aux activistes qui se sont présentés devant son usine, le propriétai­re Alexandre D’Amours croit que ce débat n’a pas lieu d’être, qualifiant leurs actions de « perte de temps ». « Le bien-être animal, c’est un dossier très encadré. Je me demande s’ils ont vraiment pris le temps de faire le tour de la question. On ne s’amuse pas à faire souffrir nos animaux. Autant pour un éleveur que pour nous, il n’y a personne pour qui ça paie de faire souffrir un animal », conclut-il.

« Selon moi, c’est vivre et laisser vivre. Eux, s’ils veulent vivre sans viande, c’est leur choix, mais qu’ils laissent les autres tranquille­s avec ça. » – Alexandre D’Amours, Abattoir Ducharme

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Les humains ont cette tendance naturelle à projeter sur les animaux ce qu’ils ressentent eux-mêmes.
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La professeur­e Renée Bergeron
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