Notre journaliste à Albany
ALBANY — La crème de l’industrie laitière américaine, soit près de 350 producteurs et intervenants, s’est réunie le 13 août dernier afin de trouver des solutions à la crise qui secoue la filière.
Baptisé Sommet laitier 2018, l’événement historique était organisé par Agri-Mark, la plus importante coopérative laitière du nord-est des États-Unis. Depuis toujours, les producteurs américains doivent vivre avec des prix en montagnes russes. Ainsi, tous les trois ans environ, les cours laitiers au sud de la frontière alternent entre des creux importants et des remontées. La dernière hausse de prix n’a cependant pas été au rendez-vous. « Pour une 4e année consécutive, les fermes laitières familiales se débattent contre des prix du lait en dessous du coût de production. Des familles agricoles sont mises à la rue et il n’y a pas de sentiment d’urgence au Congrès », a critiqué Bill Rowell, producteur du Vermont.
Des confrères d’une douzaine d’États, certains d’aussi loin que le Wisconsin et la Californie, avaient fait la route jusqu’à Albany pour trouver une façon de mieux arrimer leur production aux besoins du marché. Toutefois, au royaume du libre-marché, il s’avère difficile d’instaurer de la discipline. « Plusieurs producteurs mesurent leur succès en termes de croissance. Ils disent devoir nourrir le monde alors qu’ils ont de la difficulté à se nourrir eux-mêmes », a témoigné Kara O’Connor, de la Wisconsin Farmers Union. Plusieurs participants se demandaient si tous les producteurs seraient prêts à sacrifier un peu de leur indépendance pour gagner en stabilité dans les prix. Certains se disaient prêts à prendre le taureau par les cornes.
Un système inspiré de la gestion de l’offre
« Au Canada, les producteurs ont réussi à avoir plus de pouvoir. Ici, nous avons manqué le bateau il y a longtemps, mais aujourd’hui, je sens un changement. Nous pouvons avoir le pouvoir si nous nous tenons ensemble », a lancé Mark McAfee, producteur laitier de la Californie. Ce dernier proposait le système du « tabouret à trois pattes », fortement inspiré des trois piliers de la gestion de l’offre canadienne. Nick Thurler, représentant des Dairy Farmers of Ontario, était d’ailleurs sur place afin d’expliquer le système canadien. L’actuel prix au nord de la frontière, qui équivaut à 25 $ US/100 livres, faisait des envieux dans la salle alors que le prix moyen aux États-Unis tourne autour de 15 $ US/100 livres.
Marlis Carson et Todd Eskelsen, des conseillers juridiques de Washington, ont averti l’auditoire que tout système coordonné entre les coopératives visant à limiter la production pourrait être sujet à des poursuites en vertu de la loi américaine antitrust ainsi qu’à des recours collectifs s’il n’était pas autorisé par le gouvernement. La mise en place d’une « base »,
c’est-à-dire un volume de production au-delà duquel une pénalité s’appliquerait sur le prix, semblait plaire à la majorité, a pu constater La Terre, qui s’était déplacée à Albany. Des coopératives ont déjà mis en place de telles mesures dans certaines régions, comme c’est le cas de Land O’Lakes et Dairy Farmers of America (DFA), deux des plus grands transformateurs laitiers aux États-Unis. John Wilson, vice-président senior de DFA, a confirmé que la coopérative étudiait actuellement la possibilité d’élargir son programme de « base ». Étonnamment, aucun participant n’a mentionné qu’un plus grand accès au marché canadien constituait une solution à la crise actuelle. Le résumé des propositions du Sommet peut être consulté au https://dairyproposals2018.com.
Aux États-Unis, le prix du lait à la ferme constitue un problème récurrent.
« Le système ne fonctionne plus. » – Bob Wellington, vice-président à l’économie, Agri-Mark