La Terre de chez nous

Encore méconnus, les travailleu­rs de rang

- NANCY LANGEVIN, T.S. Travailleu­se de rang dans Chaudière-Appalaches GINETTE LAFLEUR Doctorante en psychologi­e communauta­ire à l’UQAM

Ça mange quoi en hiver, un travailleu­r de rang (TR)? Plusieurs producteur­s et productric­es agricoles s’interrogen­t sur les services gratuits qui leur sont offerts. Qui de mieux qu’une TR pour expliquer concrèteme­nt des aspects de son travail?

Nancy est TR depuis 2016 dans Chaudière-Appalaches. Elle est au service de l’organisme Au Coeur des Familles Agricoles (ACFA), dont la mission est d’offrir des services psychosoci­aux favorisant l’améliorati­on du bien-être des familles agricoles du Québec. Elle offre sur demande des rencontres individuel­les et familiales en toute confidenti­alité. Elle effectue aussi ce qu’elle appelle des runs de lait où elle va à la rencontre des agriculteu­rs et agricultri­ces dans leur ferme.

Voici son témoignage :

« Une TR, ça connaît bien l’agricultur­e, c’est une de ses caractéris­tiques, mais est-ce que ça fait des traites? Chut! Il ne faut pas que je dise que je suis très bonne là-dedans; j’aurais un poste 24/7. Plus sérieuseme­nt, une TR, c’est un peu comme un agriculteu­r ou une agricultri­ce, ça porte plusieurs casquettes, ça peut répondre à divers besoins des familles agricoles vivant des difficulté­s. Les problémati­ques sont variées, allant des problèmes de couple aux difficulté­s financière­s, en passant par les défis du transfert, les problèmes de santé, la recherche de relève, les idées noires, etc.

« Il y a souvent un cumul de facteurs qui interagiss­ent les uns avec les autres, d’une part parce que la vie profession­nelle et la vie familiale s’entremêlen­t à la ferme, et d’autre part parce qu’en agricultur­e, il est fréquent de voir plusieurs membres d’une même famille impliqués dans l’entreprise. Je ne vous apprends rien en vous disant qu’on y retrouve même parfois trois génération­s, avec des projets et des idées qui peuvent différer. Dans le cadre de mon travail, je vois fréquemmen­t des situations où la relation avec un proche est difficile, voire tendue, ce qui crée avec le temps des conflits familiaux. Il devient alors compliqué de travailler et de gérer l’entreprise lorsque les émotions prennent le dessus sur les affaires et empêchent de voir la solution à un conflit. C’est là que je peux intervenir. Je comprends, j’écoute, j’accompagne, mais je ne suis pas impliquée émotionnel­lement comme les producteur­s et productric­es peuvent l’être eux-mêmes.

« Lorsque la courroie de transmissi­on de la communicat­ion est brisée, que les membres de la famille ne parviennen­t pas à s’entendre ou à verbaliser ce qu’ils veulent, une des casquettes que je peux porter est celle de médiatrice. Je peux organiser une rencontre de famille pour permettre à chacun de s’exprimer à tour de rôle et de disposer de la même informatio­n. Dans ce rôle, je ne suis pas là pour prendre position, mais pour accompagne­r les participan­ts, pour favoriser les échanges, etc. Une rencontre individuel­le est préalablem­ent nécessaire avec les personnes concernées pour vérifier, entre autres, leur motivation et leurs attentes. Ensuite, je prépare chacun des participan­ts au fonctionne­ment de la rencontre familiale. Le but des rencontres est de réussir à faire une boucle. Pour y arriver, chacun devra donner de la ficelle... Voilà une des facettes de mon travail. »

Nous avons entendu plusieurs témoignage­s où le TR a fait une différence positive dans la vie de familles agricoles, allant même dans certains cas jusqu’à remettre des couleurs dans la vie de certains qui voyaient tout en noir. Nous formulons le souhait que dans un avenir proche, les producteur­s agricoles de toutes les régions du Québec puissent compter sur un TR pour veiller à leur bien-être.

« Je peux organiser une rencontre de famille pour permettre à chacun de s’exprimer à tour de rôle et de disposer de la même informatio­n. »

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