Le marché déstabilisé
L’autre élément de crainte pour les éleveurs de cerfs rouges demeure sans contredit le déséquilibre du marché que provoqueront les surplus d’animaux abattus.
« La demande totale pour l’ensemble des éleveurs du Québec se situe entre 1 500 et 2 000 cerfs par année. Si une entreprise doit en abattre 3 500 d’un coup, ça fera un très gros surplus et les prix pourraient devenir dérisoires », se désole Gervais Therrien, éleveur et président de l’Association cerfs rouges du Québec.
Une analyse que partage Alexandre Therrien, propriétaire des Gibiers Canabec, spécialisés dans le commerce de viande de gibier. Il n’a cependant pas l’intention de profiter de la situation. « On veut travailler à long terme avec les éleveurs qui restent », affirme M. Therrien. Il soutient que la possible disparition de son compétiteur Cerfs de Boileau n’a rien de positif. « Ils ont accru la notoriété de la viande de cerf et effectuaient un bon travail de promotion. Ensemble, on développait le secteur », souligne-t-il.
À la Maison du gibier, Julie Rondeau possède une réserve de viande de cerf jusqu’en janvier prochain. Le prix n’est donc pas à la baisse pour l’instant. Selon elle, le vide éventuellement laissé par l’arrêt des activités des Cerfs de Boileau pourra être comblé par la production des éleveurs du Québec, d’ailleurs au Canada ou de la Nouvelle-Zélande.
L’éleveur Gaétan Lehoux redoute justement cette dernière option. « Le prix est plus bas en Nouvelle-Zélande. Si on habitue les restaurants et nos clients à acheter du cerf de là-bas, ce sera difficile après la crise de revenir leur vendre notre viande à un prix supérieur », juge-t-il.
Denis Ferrer, des Cerfs de Boileau, conseille aux éleveurs qui resteront de créer une masse critique d’animaux. « Ce qui fait la force d’une filière, c’est le volume, même pour un petit créneau comme le cerf rouge. Sinon, les ventes sont difficiles et tu n’arrives pas à mettre en marché les parties moins nobles comme les abats. Mais pour faire ça, il faudra mettre beaucoup d’énergie et d’argent », juge-t-il.