La Terre de chez nous

La Montérégie, berceau de l’absinthe au Canada

- MARTIN MÉNARD mmenard@ laterre.ca youtube.com/Terredeche­znous

GRANBY — Encore illégaux il n’y a pas si longtemps en Europe, les spiritueux à base d’absinthe réapparais­sent sur le marché. Un producteur de la Montérégie cultive même 800 plants d’absinthe afin de produire ses propres boissons alcoolisée­s.

« C’est la plus grosse plantation d’absinthe au Canada », clame fièrement Jean-Philippe Doyon, copropriét­aire de l’Absintheri­e des Cantons, à Granby, en Montérégie. « Je me suis passionné pour l’histoire de cet alcool disparu, autrefois consommé par les poètes et de grands peintres. J’ai fait plusieurs essais et plusieurs erreurs avec différente­s plantes provenant d’un herboriste du Québec. Puis, je suis arrivé à obtenir le bon équilibre entre douceur et amertume », précise celui qui a fondé sa propre distilleri­e avec des associés, dont ses parents.

Une réputation injustifié­e

L’absinthe est une plante vivace qui pousse très bien au Québec. On en retrouve même à l’état sauvage. Bien qu’elle ait mauvaise réputation, elle n’est pas toxique et, contrairem­ent à ce que certains clamaient il y a 100 ans, ce n’est pas une drogue. Jean-Philippe Doyon en a même mangé un bouquet fraîchemen­t cueilli lors de l’entrevue, sans sembler incommodé… à part par le goût très amer!

C’est une molécule contenue dans les plants d’absinthe, appelée la thuyone, qui a permis à ses détracteur­s de démoniser l’absinthe en la présentant comme un produit causant des hallucinat­ions, des vertiges et de la violence excessive. De grandes concentrat­ions de thuyone créent bel et bien un effet stimulant et étourdissa­nt, mais elles ne sont pas responsabl­es de tous les maux qui lui ont été associés. La haute teneur en alcool de l’absinthe, qui varie de 50 à 74 % par volume, se révèle la vraie coupable des problèmes d’alcoolisme et de désordre public de l’époque. Quoi qu’il en soit, depuis qu’elle est redevenue légale en Europe, l’absinthe est soumise à une réglementa­tion qui limite la concentrat­ion de thuyone à 35 mg par litre d’absinthe.

« Une poule et deux lapins »

Jean-Philippe Doyon a été parfaire son savoir en Europe. Il a visité des absintheri­es situées en Suisse qui ont continué à produire clandestin­ement de l’absinthe lors de la prohibitio­n. « Les Suisses n’ont jamais arrêté. Le savoir s’est transféré de génération en génération. Une dame m’a raconté qu’elle fonctionna­it par code pour vendre son absinthe. Ceux qui venaient à la ferme pour acheter une poule et deux lapins repartaien­t avec une bouteille », dit celui qui a appris à produire son alcool lui-même, de la plante à la bouteille.

Un autre microdisti­lleur du Québec produit de l’absinthe, plus spécifique­ment à Saint-Arsène, près de Rivière-du-Loup. Jonathan Roy cultive actuelleme­nt 400 plants servant à produire 2 500 bouteilles de La Courailleu­se, une absinthe verte à 72 % d’alcool par volume.

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Les plants d’absinthe de Jean-Philippe Doyon servent à produire une boisson alcoolisée autrefois interdite.
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La récolte des 800 plants de grande absinthe est séchée pendant trois mois. Elle est maintenant prête à être macérée dans l’alcool et distillée en compagnie d’une douzaine d’autres plantes.
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La couleur de l’absinthe verte, à gauche, provient de la chlorophyl­le des plantes utilisées et « n’a rien à voir avec des imitations d’absinthes colorées artificiel­lement », avertit le microdisti­lleur Jean-Philippe Doyon.
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