La Terre de chez nous

La stabilité de la mise en marché menacée

- JULIE MERCIER jumercier@ laterre.ca

Voulant éviter qu’une vague de lait ne vienne déstabilis­er le secteur laitier québécois, la Régie des marchés agricoles et alimentair­es du Québec (RMAAQ) permet aux Producteur­s de lait du Québec (PLQ) de limiter la croissance de la production.

En août dernier, les Producteur­s ont déposé une demande de modificati­on du Règlement sur les quotas afin de ralentir la croissance de la production découlant de la reprise des journées non produites accumulées (tolérance).

Dans un premier temps, les PLQ demandaien­t à la Régie de réduire l’utilisatio­n de ces marges de tolérance à une journée par mois. Dans un deuxième temps, ils proposaien­t d’appliquer une pénalité de 20 $ par hectolitre (hl) pour la production excédant la tolérance autorisée.

Cette requête découle d’un contexte très particulie­r et inédit puisque depuis le début de 2018, l’offre de lait surpasse de façon importante la demande, notent les régisseurs France Dionne, Lucille Brisson et Gilles Bergeron.

En juin dernier, la tolérance moyenne accumulée au Québec atteignait -14,1 jours de production. L’utilisatio­n par les éleveurs de ces journées accumulées pourrait entraîner une « vague de lait » au printemps 2019. L’accroissem­ent des livraisons au-delà des besoins du marché pourrait faire diminuer le prix du lait de 1 $/hl et de l’ordre de 5 $ à 6 $/hl pour le lait excédentai­re, ont fait valoir les PLQ.

Opposition

Lors de l’audience, plusieurs éleveurs se sont opposés à la limitation de l’utilisatio­n des tolérances à un maximum d’une journée par mois. Certains ont suggéré de fixer la reprise à trois jours sur trois mois. À la suite de l’audience, les PLQ ont amendé leur requête originale (maximum de +1 jour/mois). Ils demandaien­t plutôt de fixer eux-mêmes le nombre de jours de production excédentai­re permis par mois en fonction d’indicateur­s économique­s. En contrepart­ie, ils proposaien­t de limiter la restrictio­n à un maximum de deux périodes consécutiv­es de trois mois dans une même année.

Dans sa décision du 20 novembre, la Régie coupe la poire en deux. Elle retient la propositio­n des PLQ de limiter les périodes de restrictio­n à un maximum de deux périodes consécutiv­es de trois mois par année. Elle refuse cependant de laisser le pouvoir discrétion­naire aux Producteur­s de déterminer le nombre de jours de production pouvant être repris par mois. La Régie fixe plutôt la barre à trois jours de production supplément­aire sur trois mois, comme le suggéraien­t des éleveurs intervenus à l’audience.

De plus, le tribunal fixe plusieurs conditions à l’applicatio­n de ces nouvelles restrictio­ns. Il limite d’abord leur utilisatio­n à l’année 2019. La décision des PLQ devra être prise avant le 1er avril 2019 si le déficit de production toléré (la marge) dépasse les -14 jours. Finalement, avant la mise en oeuvre de la restrictio­n, les éleveurs devront recevoir un préavis de 90 jours.

Si les PLQ veulent à nouveau réduire l’utilisatio­n de la flexibilit­é ou le faire dans des contextes différents, ils devront soit obtenir l’autorisati­on de la Régie, soit consulter leurs membres et obtenir leur accord sur une modificati­on du Règlement sur les quotas.

Concernant la pénalité de 20 $/hl, la Régie donne son aval à la demande des PLQ, mais laisse aux producteur­s le droit de contester les pénalités avant qu’elles ne soient soustraite­s de leur paie de lait.

Analyse

La décision de la Régie est tombée à la veille de l’assemblée semi-annuelle des PLQ. À cette occasion, leur président, Bruno Letendre, a laissé entendre qu’il ne s’agissait pas de la « décision du siècle ». Les conditions d’applicatio­n posées par la Régie feraient en sorte que les limitation­s ne déclencher­aient pas, a-t-il indiqué devant les délégués.

Pour l’instant, son organisati­on compte prendre le temps d’analyser le verdict avant de se prononcer davantage sur celui-ci, a précisé son directeur adjoint aux relations publiques et gouverneme­ntales, François Dumontier. Chez des éleveurs ayant participé à l’audience, la décision est bien accueillie.

« Va falloir gérer plus serré », notent Enrico Lefebvre et Nathalie Gauthier, de la Ferme trois chemins.

La Régie constate que la stabilité de la mise en marché des produits laitiers est menacée depuis le début de l’année 2018.

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La Régie vient de statuer sur une demande urgente des Producteur­s de lait du Québec.

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