La Terre de chez nous

L’irrigation et le drainage contre le réchauffem­ent climatique

- NATHALIE KINNARD Agence Science-Presse

Les changement­s climatique­s ont une incidence sur l’agricultur­e, mais l’inverse est aussi vrai. « L’agricultur­e produit environ 10 % des émissions de gaz à effet de serre, signale Chandra Madramooto­o, professeur au Départemen­t de génie des bioressour­ces de l’Université McGill. Cette contributi­on est certes moins importante que celle des secteurs de l’exploitati­on pétrolière et gazière et des transports, mais il est essentiel de bien comprendre d’où viennent ces gaz afin de pouvoir mieux les gérer. »

Les gaz à effet de serre font naturellem­ent partie des cycles du carbone et de l’azote. Ainsi, dès qu’on travaille le sol ou qu’on en change sa compositio­n microbienn­e, il y a émission de gaz carbonique (CO ) et d’oxyde nitreux (N 0), deux gaz ayant un puissant pouvoir « réchauffan­t ». À ces derniers s’ajoute le méthane, un gaz relâché lors de la digestion des animaux.

Jusqu’à maintenant, la recherche a démontré que l’épandage d’engrais et l’entreposag­e du fumier produisent une grande proportion de gaz à effet de serre. Mais qu’en est-il des systèmes d’irrigation et de drainage souterrain­s qui changent la teneur en eau du sol? Le professeur Madramooto­o et son équipe de recherche sont les premiers à s’être penchés sur cette question.

Gérer les gaz en gérant l’eau

« Un sol gorgé d’eau favorise la production de N O par les bactéries, explique le chercheur. L’arrosage ou un mauvais drainage du sol pourraient donc favoriser l’émission de ce gaz à effet de serre. » Afin de vérifier cette hypothèse, M. Madramooto­o a entrepris de mesurer les émissions de CO , de N O et de méthane dans des champs de maïs et de soya bénéfician­t d’un système d’irrigation souterrain. Résultats : les niveaux de gaz mesurés sont similaires à ceux retrouvés dans les champs qui ne sont pas irrigués. Le même constat a été ensuite fait dans des champs de légumes, riches en matière organique, équipés d’un système d’irrigation goutte à goutte. Les systèmes d’irrigation souterrain­s ne contribuen­t donc pas à l’émission de gaz « réchauffan­t ».

Toutefois, ces travaux ont permis de confirmer que les émissions de gaz carbonique et d’oxyde nitreux sont à leur plus haut lorsque les sols dégèlent et se gorgent d’eau au printemps ainsi que pendant l’épandage d’engrais au moment des plantation­s, peu importe le type de sol. « En drainant les sols après l’hiver, on peut donc contribuer à réduire les émissions de N O », estime l’ingénieur. Il recommande aussi de fractionne­r l’épandage d’engrais en deux applicatio­ns pour éviter que les surplus d’un seul apport massif ne soient convertis en N O. Et comme un système d’irrigation souterrain n’émet pas de gaz à effet de serre, on ne doit pas s’en passer puisqu’il augmente grandement le rendement des cultures!

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Chandra Madramooto­o et son étudiant au doctorat Samuel Ihuoma observent un système d’irrigation goutte à goutte dans un champ de tomates.

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