La Terre de chez nous

Le grand défi des fermes indépendan­tes

- MARTIN MÉNARD mmenard@ laterre.ca @menard.journalist­e

Chaque année, des fermes disparaiss­ent au Québec. Celles qui restent ont de l’avenir, pour peu qu’elles misent sur l’action collective.

Chaque année, environ 200 fermes disparaiss­ent au Québec, soit 2 000 en 10 ans. Celles qui restent n’ont cependant jamais généré autant de richesse; leurs recettes financière­s ont augmenté de 610 % en 20 ans. Plusieurs exploitati­ons familiales indépendan­tes se démarquent par leur résilience, leur évolution et leur volonté de réussir dans un milieu de plus en plus compétitif.

À Saint-Hyacinthe, les huit membres de la famille Bousquet travaillen­t ensemble pour cultiver leurs 1 000 hectares et traverser les tempêtes. « Quand on est plusieurs, on profite des forces de chacun et on se motive à améliorer les rendements. Si l’un de nous a un accident, les autres absorbent une partie du travail et l’entreprise continue. Ça facilite l’accès au financemen­t. C’est tout ça qui nous a permis de prendre de l’envergure », explique Laurent Bousquet.

Cette ferme spécialisé­e en production de grains a su évoluer pour réussir à rivaliser avec ses compétiteu­rs internatio­naux. D’autres exploitati­ons oeuvrant dans les production­s de masse, comme les élevages de porcs et de bouvillons, se sont développée­s de la même façon.

Plus diversifié

Malgré la présence des grandes entreprise­s, le paysage agricole se diversifie. Seulement en Montérégie, 210 nouvelles fermes ont vu le jour en 2016 et en 2017, et bon nombre d’entre elles se spécialise­nt dans des production­s de créneau, comme le bio et les secteurs émergents. Signe des temps, Rémy, le fils de Laurent Bousquet, occupe une petite superficie des terres familiales pour y cultiver sans pesticides et pratiqueme­nt sans machinerie des varié- tés rares d’ail et de cerises de terre. Son modèle agricole est complèteme­nt inverse à celui de sa famille.

Des défis

Des entreprise­s se créent et réussissen­t, mais d’autres vivent des difficulté­s. L’agroéconom­iste Michel Vaudreuil mentionne que si certains producteur­s n’améliorent pas leur gestion et leur organisati­on du travail, « la relève ne voudra pas de [leur] ferme et elles disparaîtr­ont ».

À Victoriavi­lle, l’agroéconom­iste Geoffroy Ménard affirme que la majorité des fermes maraîchère­s biologique­s qu’il a analysées dégage un faible niveau de revenus, avec une rémunérati­on moyenne de 9 $ l’heure, y compris pour les propriétai­res. « Cette agricultur­e apporte beaucoup de bénéfices sociaux et économique­s aux régions, mais elle rémunère mal ceux qui la pratiquent. Certains producteur­s endurent des conditions de vie précaires », assure-t-il. Paradoxale­ment, cette faible rentabilit­é et la résilience qui caractéris­ent les fermes indépendan­tes de différente­s tailles les protègent de l’arrivée des grandes corporatio­ns dans le milieu agricole.

La production sous intégratio­n est toutefois en croissance au Québec. Fier défenseur de la ferme porcine indépendan­te, le producteur de porcs beauceron Cécilien Berthiaume estime que l’intégratio­n se révèle la plus grande menace en raison d’un partage inéquitabl­e de la richesse.

Coincée entre des géants

La ferme familiale indépendan­te est aussi coincée entre des géants de l’agroalimen­taire, fruits de la concentrat­ion grandissan­te des fournisseu­rs d’intrants et des acheteurs. Une situation qui inquiète le directeur général de l’Union des producteur­s agricoles (UPA), Charles-Félix Ross. « Ce sont de véritables oligopoles et monopoles. Le producteur fait quoi face à ça? » demande-t-il.

« La solution consiste à changer le rapport de force. Il faut que les agriculteu­rs de tout le Québec se voient comme un groupe, qu’ils prennent conscience qu’ils sont parmi les meilleurs au monde et que les fermes représente­nt le plus grand réseau de PME au Québec », plaide M. Ross.

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Pour Laurent Bousquet, l’amour du métier est une des plus grandes forces de la ferme familiale.
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