La Terre de chez nous

Fiscalité foncière agricole : une réforme en profondeur est nécessaire

- MARCEL GROLEAU Président général de l'Union des producteur­s agricoles

Depuis plusieurs années, l’arrivée des nouveaux rôles d’évaluation amène de bien mauvaises surprises pour un nombre grandissan­t d’entreprise­s agricoles. Ceux déposés pour 2019 ne font pas exception, comme en témoignent les augmentati­ons rapportées ces derniers jours dans une multitude de médias (Lyster +25 %, Coaticook +25 %, Coteau-du-Lac +52 %, Warwick +60 %, Laval +75 %, etc.). Du côté de l’UPA, les augmentati­ons qui nous sont rapportées varient de +10 % (Saguenay) à +243 % (Massuevill­e). La hausse importante de la valeur des terres dans les nouveaux rôles d’évaluation est presque généralisé­e au Québec.

À Coteau-du-Lac, la mairesse aurait fait valoir que la « problémati­que de la valeur des terres agricoles relève du provincial; c’est pourquoi le ministère accorde un crédit de taxes afin de permettre aux municipali­tés de compenser les producteur­s agricoles ». C’est une façon commode de s’en laver les mains, mais comme le nouveau ministre de l’Agricultur­e, André Lamontagne, l’a mentionné lors de son passage au Congrès général à propos de Laval, les municipali­tés ont une responsabi­lité.

La méthode utilisée pour calculer la valeur des terres agricoles aux rôles d’évaluation constitue un des principaux problèmes dans ce dossier. Cette façon de faire fonctionne pour le secteur résidentie­l, car les transactio­ns sont nombreuses et rarement intergénér­ationnelle­s. C’est tout le contraire pour les terres agricoles. L’augmentati­on importante du prix des terres sert bien les intérêts des municipali­tés, d’autant plus qu’elles se sentent dédouanées des conséquenc­es puisque les producteur­s bénéficien­t du Programme de crédit de taxes foncières agricoles (PCTFA). Ce crédit rend plus intéressan­t le financemen­t des services municipaux à partir de la valeur foncière plutôt qu’à la porte.

La véritable responsabi­lité du gouverneme­nt du Québec, c’est de reporter depuis plus d’une décennie une révision en profondeur de la fiscalité foncière agricole. Les agriculteu­rs demandent depuis 2005 une telle révision. Treize ans plus tard, le problème continue de s’aggraver, car ces dernières années, la hausse des taxes foncières dépasse de beaucoup l’augmentati­on des budgets alloués au PCTFA, qui est plafonnée à 5 % des dépenses de l’année précédente.

Si l’on ne change rien aux paramètres du programme et au mode d’évaluation des terres, la part des taxes foncières agricoles payée par les producteur­s atteindra plus de 121 M$ d’ici 2020, soit 41 % des coûts totaux des taxes foncières, alors que la part assumée par les producteur­s était de 25 % en 2007. C’est plus de 10 % des revenus agricoles nets totaux de la province qui sont gobés par la facture des taxes foncières. C’est clairement insoutenab­le.

Lors de son passage au Congrès général et d’ici une réforme plus en profondeur, le ministre Lamontagne a annoncé la reconducti­on du programme spécial annoncé en mars dernier pour combler une partie de l’écart entre le budget alloué au PCTFA et la part des taxes véritablem­ent assumée par les agriculteu­rs québécois en 2017 et 2018. Le ministère de l’Agricultur­e, des Pêcheries et de l’Alimentati­on du Québec estimait l’an dernier que cet écart serait de 34 M$ en 2019. Les dernières évaluation­s laissent entrevoir un montant moins élevé. Quel que soit le montant, il doit être équivalent à l’écart cumulé depuis 2016, c’est-à-dire depuis que l’augmentati­on des taxes foncières agricoles dépasse la limite de 5 % de croissance annuelle imposée aux dépenses du programme. Il faut savoir que malgré cette correction, les producteur­s des régions qui ont de nouveaux rôles d’évaluation en 2019 connaîtron­t une augmentati­on très importante de la part des taxes qu’ils devront assumer. Espérons que 2019 sera la bonne année et que ce dossier sera réglé une fois pour toutes, comme l’a indiqué M. Lamontagne au Congrès général.

À tous et à toutes, je souhaite de joyeuses Fêtes avec vos proches et amis. Que cette période vous apporte beaucoup de bonheur et de plaisir.

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