La Terre de chez nous

Ma famille rurale

- ÉMILIE FONTAINE

Je suis née à l’hiver 1981, en pleine récession économique, pendant que Julien Clerc chantait Émilie Jolie. Trois mois plus tard, mes parents reprenaien­t la ferme familiale avec un bébé tout neuf qui ne dormait pas et des défis plein les bras. Trente-sept ans plus tard, c’est la même histoire. Je ne dors pas, mais mes parents à la retraite, si ! La famille s’est agrandie depuis les années 80. Les bâtiments ont changé, certains ont poussé, d’autres ont disparu. Une vie qui défile depuis toutes ces années, et l’amour, lui, qui est toujours là.

Je suis née dans une famille magique, unique et atypique qui, comme j’aime le croire, n’apparaît qu’une fois aux 100 ans. Une famille où les vieilles histoires de notre grand-tante tannante ont survécu malgré les décennies qui sont passées, et où celles de mononc Marc parti travailler aux États sont devenues légendaire­s. Chaque jour qui passe me convainc toujours un peu plus que mon clan est d’une rare exception et s’éloigne de tristes histoires grises parfois entendues.

Notre famille, ce n’est pas une histoire d’argent, d’héritage ou de possession, même si les acres sont nombreuses. C’est une histoire d’amour, de spontanéit­é, de générosité et de compromis qui fait le bonheur quotidien de 16 petites, grandes et un peu plus vieilles personnes vivant tricotées serrées dans le 4e Rang maintenant célèbre. C’est imaginer que notre histoire agricole a débuté il y a six génération­s et qu’elle se poursuit encore aujourd’hui, malgré les aléas de l’Accord de libre-échange nord-américain.

Je suis née sur une terre labourée aussi fort que l’on s’aime, et où l’amour est plus grand que la panse. Ma famille travaille tout le temps, mais elle prend des pauses pour fêter aussi fort qu’elle travaille! C’est inversemen­t proportion­nel, comme on dit en mathématiq­ues. Les 750 ml se vident au fur et à mesure que les histoires défilent dans ces soirées où le rang devient un peu croche quand on franchit les 200 mètres à pied, avant de rentrer à la maison.

Dans ma famille rurale, l’amour que l’on se porte ne se mesure pas en cadeaux d’anniversai­re et en argent versé. C’est de garder les p’tits pour la nuit, de prêter le pick-up, de faire des muffins, des biscuits, du fromage et de plier le millième lavage. C’est le coup de téléphone pour savoir si tout va bien, c’est la visite surprise pour prendre une petite bière, c’est les textos familiaux et la surutilisa­tion d’émojis par ta mère qui découvre la technologi­e, c’est la tape dans le dos quand rien ne va plus, c’est le cheers à vous, à nous.

Ma famille, c’est aussi des divergence­s, de la mauvaise humeur, des maux, des bris, des attentes et des déceptions parfois. Mais j’aime croire, jour après jour, que l’on s’aime plus que ça. À l’aube du temps des Fêtes, c’est la seule chose que j’ai envie de vous souhaiter : une belle et grande famille rurale dans un rang où l’amour n’a pas de prix.

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Chaque jour qui passe me convainc toujours un peu plus que mon clan est d’une rare exception.
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