La Terre de chez nous

Attention à la surproduct­ion

- MYRIAM LAPLANTE EL HAÏLI mlaplante@ laterre.ca

QUÉBEC — Les véganes sont en train de perdre la bataille! C’est ce qu’a souligné à la blague le président de Global AgriTrends, l’Américain Brett Stuart, en présentant sa prospectiv­e du secteur porcin aux 1 100 participan­ts du Porc Show de décembre 2018. Il estime qu’au cours des 11 prochaines années, la consommati­on mondiale de viande et de volaille augmentera de 134 millions de tonnes. À court terme, par contre, les guerres commercial­es et la peste porcine africaine font planer de l’incertitud­e sur l’industrie porcine.

Plus riches

Quatre-vingt-neuf pour cent de la population mondiale vit actuelleme­nt dans un pays en voie de développem­ent et 78 millions de personnes s’ajoutent annuelleme­nt au décompte. À long terme, des milliards de gens s’enrichiron­t, joindront la classe moyenne et consommero­nt plus de viande, estime l’analyste. « Ils n’achèteront pas du porc canadien ou américain demain matin, mais certains le feront dans 5, 10 ou 15 ans, souligne M. Stuart. Les agriculteu­rs peuvent être optimistes parce qu’avec la croissance de la population mondiale viendra une augmentati­on des revenus. »

L’appétit américain

En incluant les prédiction­s pour 2019, la population américaine aura consommé 8 livres de porc de plus par habitant qu’en 2014 et la production porcine américaine croîtra de 5 % entre 2018 et 2019 seulement. « On voit le dynamisme qu’il y a aux États-Unis dans cette production, a indiqué le président des Éleveurs de porcs du Québec, David Duval. Ce sont des concurrent­s qui veulent être là; ils construise­nt des abattoirs ultramoder­nes. C’est sûr qu’on a ce constat-là à faire ici. On manque de viande porcine et on a des abattoirs qui sont capables d’abattre plus de cochons qu’on est capables de leur fournir. »

À court terme, la demande américaine pour la viande sera l’un des principaux moteurs de croissance de l’industrie. « Les agriculteu­rs américains et canadiens ont besoin que les Américains mangent plus [de viande], disait M. Stuart en conférence au Porc Show. Les marchés canadiens sont très proches des nôtres. Le mieux pour votre porc, c’est que de notre côté, nous en exportions plus, non? »

Attention cependant aux dangers de la surproduct­ion, puisque pour maintenir l’équilibre entre l’offre et la demande porcine, les Américains auraient besoin d’accroître leurs exportatio­ns de 20 % en 2019, alors que le départemen­t de l’Agricultur­e des ÉtatsUnis (USDA) n’anticipe une augmentati­on que de 5 %. « J’agite un drapeau d’avertissem­ent à cause de l’abondance de boeuf, de porc et de volaille sur le marché, qui pourrait s’effondrer », a prévenu l’Américain.

Incertitud­es

Les effets des guerres commercial­es américaine­s et de la peste porcine africaine (PPA) en Chine continuero­nt de se faire sentir en 2019. « On ne sait pas quand les mesures de représaill­es se termineron­t, mais en même temps, la Chine a tellement de problèmes [agricoles et sanitaires] que la population locale se dit : “Moi, je ne veux plus consommer de produits chinois.” Ça, c’est une belle perspectiv­e pour nous autres », explique M. Duval.

Rappelons que la peste porcine africaine est endémique dans le pays. Avec un taux de mortalité de 80 à 90 % et aucun vaccin disponible, le virus s’est propagé sur près de 40 000 km en infectant 79 % du cheptel du premier producteur mondial de porc qu’est la Chine. Mais ces chiffres sont probableme­nt pires en réalité, croit M. Stuart. « Il y a un genre de contrôle des médias en Chine et il est très difficile d’obtenir de l’informatio­n. Je dois surveiller étroitemen­t les prix [pour savoir ce qu’il se passe réellement] », explique-t-il.

Cependant, une opportunit­é d’affaires se dessine à l’horizon pour les agriculteu­rs québécois puisque M. Stuart prédit une pénurie de porc en Chine et lorsqu’elle frappera, le géant chinois s’approvisio­nnera en premier lieu en Europe, puis en Amérique du Nord.

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Attention aux dangers de la surproduct­ion, prévient l’analyste Brett Stuart.

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