La Terre de chez nous

Jusqu’où peut-on aller pour l’amour d’un homme et de sa ferme?

- NANCY LANGEVIN, T.S. Travailleu­se de rang dans Chaudière-Appalaches GINETTE LAFLEUR Doctorante en psychologi­e communauta­ire à l’UQAM

Il arrive qu’une femme ou un homme ne parvienne pas à sortir d’une relation insatisfai­sante et même toxique. Catherine, loin d’être heureuse avec Simon, a l’impression d’occuper une place temporaire­ment vacante et d’être comme un « plan B ». Cependant, elle reste. Voici son témoignage.

Catherine et Simon avaient chacun des enfants lorsqu’ils se sont rencontrés. Ce dernier, propriétai­re d’une ferme, a un fils adolescent intéressé à prendre la relève. Dès le début, Catherine a eu des indices que sa relation avait quelque chose de malsain. Pourtant, elle n’a pas écouté sa petite voix intérieure qui lui disait de s’en aller : « Ça a été un début de relation très difficile. J’aurais dû arrêter ça tout de suite, car je me sentais comme un à-côté. Mais je ne sais pas pourquoi je suis restée accrochée à lui comme ça et je trouve ça humiliant. J’aurais dû le quitter. Là, je suis très émue et j’ai du mal à écrire tout ça. »

Elle a fait plusieurs compromis pour que son couple fonctionne, mais elle a souvent perçu qu’elle passait en dernier, derrière toutes les autres personnes autour de Simon. « Jamais je n’ai senti qu’il désirait que je sois là, sauf pour l’aide que je lui apporte à la ferme », explique-t-elle. Le soutien qu’elle lui offre est en fait très important.

Catherine, fille de producteur et passionnée de vaches, s’est occupée progressiv­ement de la comptabili­té, de la gestion du troupeau et de la traite du matin et du soir, sept jours sur sept. Les résultats, écrit-elle, n’ont pas tardé à s’améliorer et n’ont cessé de le faire. On pourrait croire que son implicatio­n dans l’entreprise, accompagné­e de retombées concluante­s, aurait facilité sa relation avec Simon. Or, cela n’a pas été le cas : « Il ne me fait aucune autre demande que d’être là au quotidien parce qu’il n’arriverait pas à faire la gestion que je fais. » Elle travaille à la ferme sans statut défini, sans reconnaiss­ance ou presque, sans promesse de quoi que ce soit. « Cette ferme ne sera jamais à moi, précise-t-elle. Simon n’a jamais vu autre chose que le transfert à son fils le plus tôt possible. De plus, comme je ne vis même pas sur place, je n’en retire aucun bénéfice. »

Catherine voit ce qui cloche. Alors pourquoi persiste-t-elle dans cette relation qui la mine? Certes, elle en retire des bénéfices secondaire­s. « Même si je ne suis pas payée à la ferme, même si beaucoup de choses pourraient me faire fuir et que je n’ai aucune part ni possibilit­é que ça soit différent un jour, je crois que je continue parce que j’aime ça, raconte Catherine. Le travail avec le troupeau m’apporte de la fierté lorsque je regarde les résultats au quotidien. » Toutefois, Simon, qui n’aime pas les vaches, ne semble que profiter de cette maind’oeuvre compétente, travaillan­te et bénévole. Il peut d’autant plus en profiter que Catherine aime les bêtes, qu’elle peine à fixer des limites et qu’elle sous-estime sa valeur.

La productric­e, qui a également un emploi à temps plein à l’extérieur, sait qu’elle ne pourra se lever à 3 h 15 encore longtemps. « Je n’ai juste pas encore fait mon deuil, écrit-elle, et peut-être que j’espère encore. »

Lorsqu’on accepte des situations au-delà de son amourpropr­e, qu’on obtient peu de considérat­ion de son partenaire, qu’une relation est davantage empreinte de tristesse que de bonheur, qu’on a toujours l’impression de passer en dernier et de ramasser les miettes, il faut arrêter de se raccrocher à l’espoir que l’autre change un jour.

« Il ne me fait aucune autre demande que d’être là au quotidien parce qu’il n’arriverait pas à faire la gestion que je fais. »

Soumettez votre témoignage en toute confidenti­alité :

acoeur@laterre.ca ou 1 877 679-7809 555, boulevard Roland-Therrien, bureau 100 Longueuil (Québec) J4H 3Y9

Pour une aide d’urgence :

1 866 APPELLE (277-3553).

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