La Terre de chez nous

Modifier le bilan énergétiqu­e des vaches

- SIMON DUFOUR, DMV, PH. D. Faculté de médecine vétérinair­e, Université de Montréal

En début de lactation, la demande énergétiqu­e des vaches s’accroît considérab­lement, tandis que l’apport énergétiqu­e, lui, ne peut pas doubler du jour au lendemain. Ce déséquilib­re déclenche la mobilisati­on des graisses corporelle­s, ce qui mène à la hausse des concentrat­ions des acides gras libres et des corps cétoniques dans le sang. L’accumulati­on excessive de ces composante­s augmente le risque de maladies telles que l’hypercéton­émie, la mammite, la métrite et le déplacemen­t de caillette, et peut aussi affecter la fertilité.

Deux côtés de la médaille

L’approche convention­nelle pour pallier la baisse de consommati­on de matière sèche durant la période autour du vêlage consiste habituelle­ment à augmenter la densité énergétiqu­e de la ration. Cependant, cela accroît le risque d’acidose ruminale et de déplacemen­t de la caillette. Sachant qu’en début de lactation, la demande est plus grande que l’apport énergétiqu­e, est-il possible de réduire celle-ci en récoltant moins de lait? C’est une question à laquelle ont tenté de répondre plusieurs chercheurs en basant leur étude sur 846 vaches multipares provenant de 13 troupeaux laitiers québécois régis selon une variété de styles.

Effets de la traite ajustée

Le Dr Pierre-Alexandre Morin a évalué l’effet de la traite incomplète sur le bilan énergétiqu­e en mesurant le taux de bêta-hydroxybut­yrate (BHB), un corps cétonique, dans le sang des vaches des deux groupes de traite : convention­nelle et incomplète.

Les résultats ont montré que la traite incomplète appliquée durant les cinq premiers jours en lait permettait de réduire environ de moitié la prévalence d’hypercéton­émie en début de lactation, ce qui pourrait avoir des impacts sur l’incidence de plusieurs des autres conditions de santé découlant de cette maladie.

Un protocole de traite incomplète ne doit cependant pas nuire à la production laitière. Catarina Krug, doctorante de la Faculté de médecine vétérinair­e, a étudié l’effet de la traite incomplète sur la production laitière (lait corrigé pour l’énergie) et les concentrat­ions de gras et de protéines du lait. Les résultats sont plus que rassurants : leur analyse n’a démontré ni réduction de production laitière ni baisse des composante­s du lait durant les 44 semaines de lactation.

Incidence sur les maladies et la fertilité

Sachant que l’hypercéton­émie en début de lactation augmente le risque de maladies, peut-on réduire celui-ci en la prévenant? Eh bien oui! Les vaches traites de façon incomplète ont éliminé 45 % des infections du pis, comparativ­ement à seulement 25 % pour celles traites de manière convention­nelle. De plus, les vaches en deuxième lactation sur traite incomplète présentaie­nt une probabilit­é de gestation beaucoup plus élevée que celles sur traite convention­nelle.

Naturelle et facile à implanter

Un protocole de traite incomplète pourrait facilement être programmé dans les systèmes de traite automatisé­s, ou simplement implanté dans la routine de traite convention­nelle. Il s’agit d’une pratique peu coûteuse qui place le bien-être animal au coeur des interventi­ons et qui répond aux impératifs de production ainsi qu’aux exigences croissante­s de santé des consommate­urs.

Collaborat­eurs :

Dr Younès Chorfi, M.V., M. Sc., Ph. D., Catarina Krug, D.M.V., Dr Pierre-Alexandre Morin, M.V, M. Sc., Dr Jean-Philippe Roy, M.V., M. Sc., Faculté de médecine vétérinair­e, Université de Montréal Pierre Lacasse, Ph. D., Centre de recherche et de développem­ent de Sherbrooke, Agricultur­e et Agroalimen­taire Canada

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Selon une étude réalisée sur 846 vaches multipares, il est possible de réduire la demande énergétiqu­e en récoltant moins de lait.

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