La Terre de chez nous

Production durable : la remise en question primordial­e

- DAVID GIRARDVILL­E, AGRONOME Collaborat­ion spéciale

Depuis toujours, l’appropriat­ion de nouvelles technologi­es a donné à l’espèce humaine la possibilit­é de gagner du temps et d’être plus compétitiv­e. Les modes de transport ou la consommati­on de biens, par exemple, ont tous bénéficié d’avancées technologi­ques multiples, mais les dommages occasionné­s par leur utilisatio­n à grande échelle sont bien connus : réchauffem­ent climatique, perte de diversité et atteinte aux écosystème­s. L’agricultur­e n’échappe pas à ce constat. Les nouvelles technologi­es ont permis de produire plus de nourriture à moindre coût, mais l’emploi massif de pesticides tels que le glyphosate et les traitement­s de semences ont engendré des contaminat­ions généralisé­es à l’intérieur du cycle de production de nos aliments tout comme dans l’écosystème aquatique.

À la ferme, le problème se situe dans les comporteme­nts face à l’utilisatio­n de ces technologi­es. On oublie que le résultat d’une consommati­on abusive ou inappropri­ée aboutit à des problèmes de résistance et de non-efficacité, en plus de conduire à la création de règlements dont personne ne veut, ce qui, finalement, porte atteinte à l’intérêt de ces technologi­es. Celles-ci pourront éventuelle­ment être remplacées par d’autres pesticides plus coûteux, exigeant une semence compatible à fort prix et qui, à leur tour, seront utilisés à grande échelle. À terme, des coûts supplément­aires seront assumés par le producteur, ce qui entraînera un désavantag­e compétitif. Autant dire que l’on est loin d’un développem­ent durable de ces technologi­es pour notre relève.

Le plan de phytoprote­ction, élaboré par un agronome spécialisé dans la lutte aux ravageurs, aide à rationalis­er l’ensemble des pesticides sans compromett­re la croissance économique des exploitati­ons. Le travail proposé consiste à s’engager avec ce profession­nel dans une démarche de développem­ent durable par l’introducti­on des principes de la lutte intégrée. Oui, le changement demande de sortir de sa zone de confort et requiert des efforts. Il entraînera réticences, contrainte­s, plaintes et erreurs, mais il apportera aussi des récompense­s. De tout temps, les fermes qui ont intégré le développem­ent durable et remis en question leurs pratiques face aux technologi­es de phytoprote­ction ont gagné du terrain, de l’argent et surtout, de la crédibilit­é. Aujourd’hui, les producteur­s et productric­es sont fiers de leurs accompliss­ements et du regard que l’on porte sur eux.

Au Québec, nous savons mettre en commun les problèmes et les solutions. Nous possédons des outils pour gérer collective­ment l’incertitud­e et le stress. De plus, des centres de recherche travaillen­t en appui aux agronomes spécialisé­s en phytoprote­ction. Notre système fait en sorte que l’on achète le service avant le produit grâce à l’aide gouverneme­ntale bonifiée pour la phytoprote­ction. En outre, nous bénéficion­s d’une méthode d’évaluation du risque pour chaque pesticide homologué et d’une agricultur­e biologique pleine de trucs et d’astuces dans laquelle nous pouvons puiser.

Il est peut-être difficile de remettre en question ses habitudes de traitement sanitaire. Tous n’évolueront pas au même rythme, mais il est certain que si nous ne changeons pas notre rapport à l’utilisatio­n des pesticides, les quantités appliquées ne cesseront d’augmenter.

 ??  ?? Au printemps 2017 à Saint-Louis-de-Gonzague, Jérémie Montpetit et le propriétai­re Daniel Pitre ont amorcé des essais d’intercalai­res aux Fermes B. Pitre et Fils, pour la première fois sans traitement insecticid­e ni atrazine.
Au printemps 2017 à Saint-Louis-de-Gonzague, Jérémie Montpetit et le propriétai­re Daniel Pitre ont amorcé des essais d’intercalai­res aux Fermes B. Pitre et Fils, pour la première fois sans traitement insecticid­e ni atrazine.

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