Réflexions sur la protection du territoire agricole
Est-ce que la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles est un échec? Sinon, dans quelle mesure joue-t-elle son rôle?
A priori, le bilan gains-pertes est négatif au Saguenay–Lac-Saint-Jean comme ailleurs au Québec. En termes de superficie, c’est évident : 7 453 ha de perte nette, selon G. Roy, dans Le Quotidien du 10 décembre. Ce que l’on ne nous dit pas, c’est que les pertes concernent de bien meilleures terres, sur le plan agronomique, que les gains. Ne pas tenir compte des critères de qualité des sols fausse notre appréhension de l’ampleur du problème. On parle aujourd’hui de la Loi sur la protection du territoire ET des activités agricoles. Or, il me semble que l’on protège davantage ces dernières que la ressource qui les supporte, le sol. Ainsi, ni la Commission de protection du territoire agricole du Québec (CPTAQ), ni le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ), ni l’Union des producteurs agricoles et encore moins les villes ne font de distinction quant à la nature des activités agricoles qui font l’objet de demandes d’inclusion à la zone verte. S’agit-il de productions en pleine terre ou hors sol?
Les productions en pleine terre ont un rapport direct avec les caractéristiques agronomiques des sols alors que les productions hors sol peuvent s’implanter sans que l’on ait à s’en préoccuper. À mon avis, il y a des conséquences importantes à cet état de fait. Il faut savoir que le zonage « vert » d’un terrain où se pratique une activité agricole donne accès à des programmes gouvernementaux, particulièrement au crédit de taxes foncières. C’est le cas au Québec (sauf information contraire) des gros complexes de serres, dont celui des Serres Toundra, à Saint-Félicien. On parle alors de sommes considérables.
La CPTAQ, qui voit au respect de la loi, et le MAPAQ, qui administre les programmes de subvention, ne devraient-ils pas envisager de considérer la nature des activités agricoles en pleine terre ou hors sol dans le traitement des demandes qui leur sont adressées? L’aide gouvernementale ne devrait-elle pas être modulée en conséquence, si la protection du territoire et des activités agricoles a encore quelque chose à voir avec la protection du sol arable? J’avance l’hypothèse que des programmes de subventions moins généreux à l’égard des productions hors sol permettraient d’utiliser plus judicieusement l’argent public, particulièrement en augmentant les budgets des programmes de protection et de gestion des ressources fondamentales, collectives et intrinsèquement liées que sont le sol « cultivable » et l’eau.
Quant à savoir si cette loi qui date de 40 ans est un échec, on peut se demander si l’on doit se contenter de la réponse suivante : « Ça aurait été pire sans loi. » Un faux fuyant qui constitue en soi un aveu d’échec.