La Terre de chez nous

Vivre le rêve de l’autre

- HÉLEN BOURGOIN, T.E.S. Travailleu­se de rang dans le Centre-du-Québec

« Il rêvait d’avoir un jour une ferme à lui. Moi, j’étais sa blonde d’asphalte. » C’est ainsi que Jocelyne explique sa venue dans le monde agricole. Son histoire est exemplaire, car elle a rapidement adopté le mode de vie de son conjoint en devenant elle-même productric­e laitière. Une vie qu’elle a appréciée, « sans regret », remplie de péripéties, de joie, d’amour et de questionne­ments. À l’aube de la retraite, elle dresse son bilan personnel et réalise qu’elle a « sauté » dans le rêve de son conjoint en oubliant le sien.

« À l’époque, on a saisi les occasions qui s’offraient à nous afin de devenir propriétai­res d’une petite ferme laitière », raconte-t-elle. « On a d’abord loué une étable », poursuit celle qui ne se destinait pas à l’agricultur­e. « Qui prend mari, prend pays », dit-on.

Jocelyne a choisi de suivre celui qu’elle aimait. « Je n’y connaissai­s rien au début. J’ai tout appris avec lui, pour lui », précise-t-elle. Puis, petit à petit, elle s’est impliquée davantage dans les tâches de la ferme. « Ça n’a pas toujours été rose. On a eu notre lot d’épreuves, mais on s’en est bien sortis », ajoute Jocelyne.

Au fil des ans, elle a acquis de l’assurance et a commencé à prendre part aux discussion­s majoritair­ement alimentées par des hommes. « Tranquille­ment, j’ai fait ma place dans ce monde si masculin. J’ai pris confiance en moi », dit-elle fièrement. « J’étais partout à la fois : à la ferme, à la maison, avec les enfants et aux activités de l’école. J’avais ma routine et je m’y plaisais bien. »

En 2008, elle est finalement devenue actionnair­e avec son conjoint, une grande réussite pour elle. Cependant, elle ajoute que, contrairem­ent à son mari, elle ne considérai­t pas l’agricultur­e comme une passion. C’était plutôt « un travail que j’aimais et que j’aime encore ».

Avec du recul et un corps courbaturé l’obligeant à ralentir, elle réalise qu’elle a mis ses rêves de côté. « Quand on a une ferme, on reporte souvent les projets de rénovation de la maison et les voyages, car on a des dépenses à faire pour l’entreprise », souligne-t-elle. Une fois les enfants devenus grands, « qu’est-ce qui me retient de partir? » se demande-t-elle. Bien sûr, il y a « l’amour que j’éprouve pour mon mari et la fierté de ce que nous avons bâti ».

Mais plus encore, il lui reste de belles et magnifique­s années pour se trouver un rêve bien à elle et le réaliser, hors de la ferme si elle le souhaite ou en lien avec l’agricultur­e. Elle aura, à présent, l’occasion de se créer une deuxième vie en partageant, par exemple, ses connaissan­ces agricoles avec les prochaines génération­s ou même en racontant son histoire aux futures femmes de producteur­s. Jocelyne aura désormais du temps pour penser à elle et à son couple, pour songer à son avenir, se mettre en priorité et regarder l’agricultur­e d’un autre oeil.

Se permettre de faire une remise en question sur sa vie est un beau cadeau à s’offrir. Il ne faut pas croire que Jocelyne ait tout sacrifié pour celui qu’elle aime, mais plutôt voir tout ce qu’elle a appris par l’entremise du rêve de son mari. Il leur reste maintenant à savourer leur vie et à prendre du bon temps ensemble. Je sais que Jocelyne trouvera un rêve bien à elle, car c’est une femme de tête et d’action, dévouée aux autres. Elle a voulu partager son histoire pour en aider d’autres.

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