La Terre de chez nous

Une fromagère en deuil

- JOSIANNE DESJARDINS jdesjardin­s@ laterre.ca La fromagère Caroline Tardif veut poursuivre les projets qu’elle a bâtis avec son conjoint, qui a perdu la vie en novembre dernier.

MERCIER — Jean-François Hébert était un agronome, un entreprene­ur et un athlète. Perfection­niste, il a consacré 20 ans de sa vie à son élevage de chèvres et à son verger expériment­al. Il était tellement investi qu’il en a négligé sa santé. Un jour, il a craqué et a mis fin à ses jours.

Le drame s’est produit en novembre dernier. La conjointe du défunt, Caroline Tardif, a été durement éprouvée. Mais courageuse, elle se montre plus déterminée que jamais à faire vivre la Fromagerie Ruban bleu, de Mercier, en Montérégie, et tous les projets dont elle a tant rêvé avec son amoureux.

Elle désire que perdure « l’oeuvre d’art » de son conjoint, c’est-à-dire le verger de conservati­on biologique de 15 arpents situé sur le terrain de l’entreprise. On y retrouve plus de 150 variétés de pommes et 50 sortes de poires, fruits de plus de 20 ans d’expertise. Jean-François, qui était agronome spécialisé en cultures fruitières, cherchait à développer des pommes plus résistante­s aux maladies et de meilleures techniques pour la taille ainsi que la greffe des arbres. Il a documenté toutes les variétés cultivées sur le site.

Pour la continuité

Caroline est prête à louer gratuiteme­nt le verger à quiconque voudrait poursuivre le rêve de son conjoint. Actuelleme­nt, l’entreprene­ure consacre toutes ses énergies à la fromagerie. Selon une approche strictemen­t comptable, on lui a même suggéré de raser le verger. « Je suis juste incapable. Je l’ai vu oeuvrer là-dedans toute sa vie », témoigne-t-elle.

Le futur associé pourrait y travailler quatre mois par année. Les possibilit­és d’affaires sont multiples, avance Caroline. On avait déjà l’habitude d’organiser des visites et des activités d’autocueill­ette. Il serait intéressan­t de mettre en place une cuisine de transforma­tion mobile, mentionne-t-elle. Tout est matière à discussion, pourvu que le verger puisse rester en vie, insiste la fromagère. « Je vois ça comme une oeuvre d’art. Le plus gros [du travail] a été fait. Maintenant, il faut le mettre en valeur », soutient Caroline.

Culpabilit­é

La mère de deux enfants dit avoir recueilli des milliers de messages sur les réseaux sociaux, où elle s’est livrée sans tabou. Elle a aussi reçu un grand nombre de lettres de sympathie, surtout de familles ayant vécu un drame semblable. Mais au-delà du réconfort, de cet élan de solidarité, les plaies sont encore vives. « Je suis peinée de ne pas avoir pu lui offrir mon appui dans sa tristesse, sa détresse. C’est là où je m’en veux, quand je me dis qu’il était tout seul là-dedans », regrette sa conjointe.

Le centre de crise et de prévention du suicide La Maison sous les arbres, de Châteaugua­y, a contacté Caroline après le drame pour lui proposer du soutien. « Si j’avais su que la Maison existait, c’est sûr que j’aurais appelé là-bas pour demander aux intervenan­ts de venir chercher mon chum », dit-elle aujourd’hui.

« Les gens me disent : “Ce n’est pas de ta faute.” Mais la grande détresse que je vis, c’est la culpabilit­é. » – Caroline Tardif

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada