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La mouche rose stérile : une solution judicieuse

- CARL DION-LAPLANTE, AGR. PRISME En collaborat­ion avec Anne-Marie Fortier, biologiste, entomologi­ste M. Sc. Directrice scientifiq­ue adjointe à la Compagnie de recherches Phytodata inc.

EMMANUELLE LALONDE, AGR.

Agente de communicat­ion et de développem­ent à l’Associatio­n des producteur­s maraîchers du Québec (APMQ) Le 12 octobre dernier, le Consortium production­s en régie intégrée du sud de Montréal. (PRISME) a inauguré sa toute nouvelle usine à mouches roses. Ce bâtiment de 2 800 pieds carrés, situé à Sherringto­n et construit au coût d’environ 650 000 $, permettra d’en élever des dizaines de millions annuelleme­nt.

La compagnie de recherche Phytodata, qui fait partie du Consortium PRISME, travaille sur la mouche stérile de l’oignon depuis une quinzaine d’années. Dans les années 1990, le contrôle de la mouche de l’oignon ( Deliaantiq­ua) reposait principale­ment sur l’emploi de chlorpyrif­os appliqué au semis, sans compter plusieurs traitement­s foliaires qui devaient être appliqués lorsque les dommages de mouches dépassaien­t 1 %. Déjà, à cette époque, même avec une utilisatio­n d’un insecticid­e à base de chlorpyfir­os trois fois supérieure à la dose permise, le contrôle des dommages était un échec.

Recherche

Dès 2002, les pertes causées par la mouche de l’oignon et l’utilisatio­n massive des insecticid­es ont incité PRISME et Phytodata à développer des solutions de remplaceme­nt à ces produits, dont les mouches stériles. La technique consiste en une irradiatio­n des mâles élevés en usine à l’aide de rayons ionisants, au stade de pupe, afin de les rendre stériles. Si un accoupleme­nt se produit, la femelle, une fois relâchée, pondra des oeufs non fertilisés, puisque le mâle est infécond. La première étude de faisabilit­é sur cette technologi­e a été réalisée en 2004 par François Fournier, du Cégep Montmorenc­y, avec l’aide des fonds du Conseil pour le développem­ent de l’Agricultur­e du Québec (CDAQ).

Le financemen­t de recherche et de développem­ent durant une douzaine d’années assuré par divers programmes gouverneme­ntaux ainsi que l’implicatio­n des producteur­s membres du PRISME ont permis l’adoption de cette technique et l’abandon du chlorpyrif­os au semis sur près de 60 % des superficie­s dépistées par le consortium tout en maintenant les rendements par rapport aux régies convention­nelles.

À l’été 2019, 21 agriculteu­rs de la Montérégie et 4 de Lanaudière auront recours aux mouches roses dans leurs champs d’oignons. Les essais de démonstrat­ion se poursuivro­nt également en Ontario et des tests devraient être entrepris dès la saison 2020 dans l’État de New York, avec la collaborat­ion de deux chercheurs de l’Université Cornell.

Coûts

En 2018, le coût moyen à l’hectare pour l’utilisatio­n des mouches stériles s’est établi à 218 $ dans les oignons secs, sans compter la subvention accordée dans le cadre du volet 1 du programme Prime-Vert du ministère québécois de l’Agricultur­e pour l’achat des insectes. La maîtrise de la technique et la diminution des population­s naturelles de Delia

antiqua ont permis de réduire de près de 90 % le taux d’introducti­on (nombre de mouches stériles relâchées à l’hectare) depuis 2011. Plusieurs producteur­s estiment que le coût de cette méthode est maintenant comparable à celui des insecticid­es chimiques. Par ailleurs, cette approche ne nécessite pas de prescripti­on et donne la possibilit­é d’abaisser les risques associés aux insecticid­es sur la santé et l’environnem­ent.

Le rôle de l’agronome

Avant de recommande­r l’emploi de mouches stériles à la ferme, l’agronome, en collaborat­ion avec un entomologi­ste, doit effectuer un suivi des population­s de mouches et identifier les espèces afin de confirmer et de quantifier la présence de l’insecte.

L’agronome encadre le producteur pour que celui-ci les utilise de façon optimale et qu’il les relâche à l’endroit le plus stratégiqu­e et au meilleur moment. Pour ajuster le taux de lâchers à long terme en fonction des besoins dans un plan de lutte intégrée, l’agronome assurera aussi un suivi de l’évolution des population­s naturelles, des ratios mouches stériles/ naturelles, de l’incidence des dommages et des espèces qui causent ces derniers.

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La production des mouches stériles s’échelonne de la fin du mois d’octobre au début de février. Les lâchers au champ ont lieu chaque semaine, de mai jusqu’à l’automne.

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