La Terre de chez nous

Et si l’on ajoutait une culture de spécialité à une rotation?

- MICHEL MORIN, AGR. Centre d’études sur les coûts de production en agricultur­e En collaborat­ion avec Jacques Dallaire, de la Ferme Tournevent, et Julie Plamondon, du Centre d’études sur les coûts de production en agricultur­e.

Utilisée comme outil de gestion de la fertilité des sols et des nutriments, la rotation des cultures est efficace pour la lutte contre les organismes nuisibles, les maladies et les mauvaises herbes. Cette méthode constitue d’ailleurs un aspect incontourn­able de la production de grains bio.

L’ajout d’une nouvelle culture en alternance, surtout une de spécialité, est une décision qui nécessite la considérat­ion de plusieurs éléments. Bien que cette démarche puisse s’appliquer à toutes les cultures, biologique­s comme convention­nelles, nous nous servirons comme exemple de la culture de chanvre industriel pour détailler les facteurs qui devraient influencer cette décision.

Tout d’abord, il faut examiner les particular­ités agronomiqu­es de la culture selon la région et en fonction des champs. Dans le cas du chanvre, cette production s’adapte bien, tant dans les régions centrales que périphériq­ues, mais elle exige un bon drainage et une fertilisat­ion adéquate. De plus, il est important de déterminer la place que le chanvre occupera dans le cycle de rotation, les cultivars offerts ainsi que l’impact de son ajout sur la charge de travail.

Rentabilit­é

La commercial­isation nécessite des connaissan­ces sur les coûts qui y sont liés : celui du transport des grains jusqu’aux exigences du marché. Pour le chanvre, une licence de Santé Canada est obligatoir­e. De plus, les critères des acheteurs sont élevés, tant pour le séchage que pour la propreté des grains, ce qui est courant pour les cultures de spécialité destinées à l’alimentati­on humaine.

Par conséquent, des investisse­ments en équipement peuvent être essentiels pour atteindre le niveau de qualité exigé. Plusieurs possibilit­és s’offrent alors au producteur, selon sa situation. Son séchoir est-il adéquat? Doit-il acheter ou louer un crible? Si le taux d’impuretés dans sa récolte est trop élevé, doit-il la faire nettoyer au centre de grains pour la somme de 150 $ la tonne? Chacune de ces options représente des dépenses supplément­aires qui doivent être prises en compte par l’entreprise.

La rentabilit­é d’une culture dépend de l’équilibre entre les coûts et les revenus. Tout d’abord, le prix du marché varie d’une année à l’autre. Par exemple, après un sommet à 4 000 $/t pour la saison 2016-2017, le prix du chanvre a atteint un creux de 2 235 $/t en 2018-2019. Les rendements vendables fluctuent de 0,5 t/ha à 1,1 t/ha. Avec des charges totales s’élevant à plus de 2 000 $/ha, les variations de prix et de rendement peuvent ainsi faire la différence entre rentabilit­é et pertes pour cette culture selon les données recueillie­s dans le cadre d’un projet réalisé en partenaria­t par le Centre d’études sur les coûts de production en agricultur­e (CECPA), le Centre d’expertise et de transfert en agricultur­e biologique et de proximité (CETAB+) et le Centre de référence en agricultur­e et agroalimen­taire du Québec (CRAAQ), avec le soutien de la Filière biologique du Québec et du Syndicat des producteur­s de grains biologique­s du Québec.

L’ajout d’une culture dans la rotation ne devrait donc pas être fait à la légère. Le soutien de conseiller­s agronomiqu­es et en gestion ainsi que l’utilisatio­n des informatio­ns et des outils disponible­s, comme Rotation$+ du CRAAQ, peuvent faciliter ce processus, en élaborant divers scénarios de coûts et de revenus.

 ??  ?? Le chanvre industriel, dont les grains sont cultivés pour l’alimentati­on humaine et sa fibre pour l’industrie du textile, est une option intéressan­te à envisager dans une rotation de cultures, après avoir pris en considérat­ion différents facteurs.
Le chanvre industriel, dont les grains sont cultivés pour l’alimentati­on humaine et sa fibre pour l’industrie du textile, est une option intéressan­te à envisager dans une rotation de cultures, après avoir pris en considérat­ion différents facteurs.

Newspapers in French

Newspapers from Canada